Syrie : les chrétiens disparaîtront-ils par la force ?

Source: FSSPX Actualités

La ville de Sadad de 15.000 habitants se trouve sur la chaîne montagneuse de Qalamoon, sur la route reliant Homs à Damas. Des groupes islamistes armés de la brigade al-Faruk, du front al-Nusra et de l’Etat islamique d’Irak et du Levant y ont pénétré par surprise à l’aube du 21 octobre 2013 – de façon similaire à la prise de la ville de Maalula. Occupant la ville pendant une semaine, ils ont exécuté 45 personnes, cambriolé toutes les maisons, endommagé et profané les églises, les livres antiques, détruit hôpital, clinique et pris en otage 1.500 familles utilisées comme boucliers humains. 

« Environ 2.500 familles se sont enfuies de Sadad, avec seulement les vêtements qu’elles portaient », précisait l’archevêque Selwanos Boutros Alnemeh, métropolite syro-orthodoxe d’Homs et Hama. Désormais, la tactique des bandes armées consiste à effectuer des incursions improvisées qui sèment la terreur parmi les civils, les incitant à fuir. Les civils de Maaloula qui se sont tous réfugiés à Damas, ont formé un comité. L’un de ses représentants a déclaré à l’agence catholique Fides : « Le radicalisme islamique se fait toujours plus discriminatoire. Nous ne nous sentons pas protégés. Personne ne fait en sorte de prévenir ces abus contre les droits humains. Nous demandons une intervention de la Commission de l’ONU de Genève ».

Des sources de Fides expliquent que « le but de telles actions contre les minorités est de montrer qu’il leur est impossible de rester vivre ici, et ainsi de fragmenter la Syrie sur une base confessionnelle ». Les chrétiens de Syrie sont réticents à prendre les armes pour se défendre. Cependant, des comités populaires commencent à se former afin de prévenir les violences, comme c'est le cas dans la "vallée des chrétiens" (Wadi al Nasara), dans l’ouest de la Syrie, place forte traditionnelle des chrétiens syriens. Dans cette vallée, on compte plus de 50 villages chrétiens pour un total de 100.000 fidèles auxquels sont venus s’ajouter plus de 200.000 évacués. Ces villages subissent eux aussi des incursions de la part des groupes armés, mais des rencontres sont organisées au plan local entre prêtres et imams.

Mgr Boutros Marayati, archevêque arménien catholique d’Alep, déclarait à Fides mi-octobre : « Ces derniers temps, une rumeur a circulé selon laquelle 17 pays avaient ouvert leurs portes aux réfugiés syriens. Cette nouvelle a ravivé avec plus de force encore, y compris parmi les chrétiens, la tendance à vouloir quitter la Syrie ». Le 16 octobre, le ministère russe des Affaires étrangères publiait sur son site Internet une lettre adressée par « près de 50.000 chrétiens syriens dont des médecins, des ingénieurs, des avocats et des entrepreneurs qui veulent demander la nationalité russe ». Après avoir fui les hauts plateaux entre Damas et Homs, les chrétiens de Maaloula, de Saydnaya, de Maara Saydnaya et de Maaroun, « redoutent d'être exterminés par les terroristes soutenus par l'Occident », raison pour laquelle ils ont « choisi de solliciter la citoyenneté russe ». « Personne ne veut abandonner sa maison. Nous avons tout ce qu'il nous faut, nous ne demandons pas d'aide financière », précisent les auteurs de la lettre. Le 17 octobre,

Mgr Elias Sleiman, évêque de l’Eparchie maronite de Latakieh, déclarait à l’Aide à l’Eglise en Détresse : « Le problème de nombreux médias est qu’ils ne saisissent pas vraiment la situation telle qu’elle est réellement. Le printemps arabe a clairement été dépeint comme un mouvement pour la liberté et la démocratie, mais les résultats réels, par exemple en Libye, en Egypte et au Yémen, prouvent le contraire. » (…) « En ce moment même, en Syrie, il convient de dire que les rebelles modérés et les islamistes ont commencé à s’affronter entre eux. Les grandes puissances du monde doivent intervenir – maintenant – pour empêcher la Syrie de tomber dans le chaos le plus total. » L’évêque syrien a insisté : « Pourquoi des djihadistes et fondamentalistes musulmans viennent-ils en Syrie et ailleurs, et font-ils tout pour que cette coexistence ne soit plus possible ? ».

La région côtière de Latakieh – berceau des musulmans alaouites – est une destination pour les Syriens aussi bien musulmans que chrétiens qui ont fui Damas, Alep et Homs. L'opposition au régime de Damas est débordée par les extrémistes islamistes : "L’Etat islamique d’Irak et du Levant" est une faction proche d’Al-Qaïda, qui a monopolisé, dans différents endroits de Syrie, l’insurrection armée contre le régime de Damas, indique l'agence Fides. Le but déclaré de cette faction est la création d’un califat islamiste dans les zones se trouvant sous son contrôle : les populations civiles sont soumises à des campagnes d’endoctrinement et de fanatisation fondées sur l’idéologie djihadiste. Depuis plusieurs mois, djihadistes et Kurdes se disputent le contrôle du nord-est de la Syrie, riche en pétrole et grenier à blé du pays.

Dans un conflit où l'opposition est de plus en plus atomisée, les Kurdes défendent avant tout leur territoire, d'où l'armée s'est retirée et où ils souhaitent instaurer une zone autonome à l'instar des Kurdes d'Irak. Les 26 et 27 octobre 2013 s’est tenu le premier Congrès général des chrétiens d’Orient à Raboueh, près de Beyrouth (Liban), organisé par le docteur Fouad Abou Nader, président du parti libanais Le Front de la liberté et ancien chef de la résistance chrétienne au Liban aux côtés de Bachir Gemayel. « Tous les représentants des 14 Eglises d'Orient » étaient présents : « Nous avons réunis des chrétiens venant de Turquie, d'Iran, de tout le Proche-Orient, d'Egypte et même du Maroc. C'est exceptionnel ! » a-t-il pu déclarer.

Et d’expliquer le devoir pressant de se réunir « pour unifier notre vision, penser notre avenir dans cette région, évaluer nos relations avec les musulmans, qui nous considèrent parfois comme des citoyens de seconde zone ». Le premier Congrès général des chrétiens d’Orient a eu lieu en présence de l’ancien président du Parlement libanais Hussein Husseini, du député Michel Aoun, chef du bloc du Changement et de la Réforme, du vice-Premier ministre Samir Mokbel, du patriarche maronite Béchara Boutros Raï, et de plusieurs personnalités politiques et religieuses. Les participants ont souligné que les chrétiens d’Orient sont « les fils originaux de cette terre, et y resteront, quelles que soient les difficultés », car « la région est condamnée sans ses chrétiens », a précisé le docteur Fouad Abou Nader. Le Congrès s’est penché sur le rôle important des chrétiens et leur contribution sociale et économique indispensables ; la commission des travaux à suivre doit dresser la situation précise des populations chrétiennes et des plans d’action pour « agir sur les centres de décision dans le monde et porter haut et fort la question des chrétiens d’Orient ».