Téhéran, point cardinal pour l’Eglise

Mgr Dominique Mathieu, archevêque de Téhéran, futur cardinal
En élevant au cardinalat le franciscain Dominique Mathieu, archevêque de Téhéran-Ispahan, le 6 octobre 2024, le pape François ne fait pas seulement le choix de mettre en valeur les « périphéries » mais souligne également le rôle qu’entend jouer la diplomatie du Saint-Siège avec un acteur incontournable dans le règlement de la crise au Proche-Orient.
La République islamique d’Iran… Difficile de trouver plus périphérique dans l’Eglise quand on se rappelle qu’en 2020, selon les statistiques du Saint-Siège, seuls cinq prêtres exerçaient leur ministère parmi les quelques neuf mille catholiques que compterait officiellement le pays, vingt-et-un mille selon les données du Département d’Etat américain. Une présence qui confine au témoignage au regard des plus de quatre-vingts millions de musulmans qui habitent dans l’ancienne Perse.
En termes de promotion ecclésiastique, inutile de dire que Téhéran faisait plutôt figure de destination idéale pour l’exil : on se rappelle qu’en juillet 1975, Mgr Annibale Bugnini, tout-puissant fossoyeur de la liturgie traditionnelle avait été envoyé comme pro-nonce en Iran, signe de disgrâce soudaine.
C’est oublier l’incomparable réseau que la diplomatie vaticane a construit, avec autant de discrétion que de patience, depuis l’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Téhéran le 2 mai 1953 (par la lettre apostolique Quantum Utilitatis cf. AAS series 2, vol.20, p.542), au temps du Shah. Un réseau qui s’est paradoxalement renforcé depuis l’arrivée des mollahs au pouvoir en 1979.
Qui se souvient de l’action commune menée par le Vatican et Téhéran, durant les années 1990, afin de bloquer certaines propositions des Nations unies visant à imposer l’avortement comme un droit international ?
Il faut dire que le chiisme duodécimain, courant musulman majoritaire dans le pays qui met l’accent sur la tradition islamique autant que sur le Coran et qui s’organise autour d’une caste d’ayatollahs, s’accommode assez bien d’un catholicisme romain centralisé et structuré autour de son clergé.
On comprend pourquoi le protestantisme ne jouit pas de la même considération de la part des guides de la république islamique, loin de là.
Les relations entre l’Eglise et l’Iran se sont encore approfondies sous le pontificat de François qui a plusieurs fois montré une proximité – souvent critiquée en Occident – envers l’alliance des BRICS, cette union des Etats du « Sud-global » piloté par la Russie et la Chine, et à laquelle l’Iran appartient désormais. Une alliance actuellement dirigée par l’un des principaux alliés politiques de François : le président brésilien Inacio Lula da Silva.
Le Vatican, qui est l’un membre fondateur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), soutient également l’idée de l’accord nucléaire avec l’Iran, dans le but d’éviter la prolifération des armes nucléaires : lorsque l’administration Trump avait dénoncé cet accord, la secrétairerie d’Etat du Saint-Siège avait clairement manifesté son désaccord.
On ne s’étonnera donc pas de l’appel téléphonique passé par le cardinal Pietro Parolin, chef de la diplomatie vaticane, au nouveau président iranien Masoud Pezeshkian, le 12 août 2024, car le Saint-Siège entend bien jouer un rôle de premier plan afin d’apaiser un Proche-Orient qui s’est enflammé depuis les attentats terroristes du 7 octobre 2023.
En élevant l’archevêque de Téhéran au cardinalat, le pape François envoie ainsi un message très clair aux différentes chancelleries à un moment où le spectre d’une guerre ouverte avec la république islamique d’Iran fait craindre de nombreux dégâts collatéraux là où l’Eglise est très présente, de la Terre-Sainte au Liban, en passant par la Syrie ou l’Irak.
(Sources : Acta Apostolicae Sedis/Vatican News/State Governement – FSSPX.Actualités)
Illustration : Facebook / Franciscan Missions