Témoignage : un prêtre au Goulag

Source: FSSPX Actualités

Walter J. Ciszek (au centre).

Capturé par l’armée russe durant la Seconde Guerre mondiale, accusé d’être un espion du Vatican, Walter J. Ciszek (1904-1984), prêtre jésuite américain, a passé vingt-trois ans dans les prisons soviétiques et les goulags de Sibérie entre 1940 et 1963. Cent ans après la Révolution bolchevique, ce livre témoigne de la réalité du communisme.

Les combats n’ont pas manqué dans la vie du Père Ciszek : jeune lévite, il avait trouvé la vie au séminaire pénible, et était rentré « sur un coup de tête » chez les Jésuites. Son rêve de jeune Américain d'origine polonaise : se faire missionnaire dans la Russie communiste. Car il n'y a rien de plus grand que d'entreprendre les choses les plus ardues pour la plus grande gloire de Dieu. Walter Ciszek sera exaucé : après son noviciat aux Etats-Unis, suivi de deux années d’étude au Collège pontifical russe à Rome, il est envoyé en mission en Pologne puis en Russie.

A partir de juin 1941, il est fait prisonnier par les Russes : « C’est en train que l’on m’a conduit à la tristement célèbre prison de la Loubianka à Moscou, pour y être interrogé en tant ‘qu’espion à la solde du Vatican’. Et j’y suis resté pendant toute la guerre, subissant régulièrement des interrogatoires, souvent musclés, de la part du NKVD ».

Le NKVD (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures) désigne la police secrète soviétique. Créé en 1934, son rôle consiste à surveiller étroitement l'ensemble de la population. Ses chefs ne rendent compte qu’à Staline lui-même.

Après cinq années en prison, le jésuite est condamné à quinze ans de travaux forcés dans un Goulag en Sibérie : « comme des milliers d’autres prisonniers », explique-t-il avec sobriété, « j’ai dû travailler au sein des brigades de travail pour effectuer des chantiers de construction à l’extérieur dans un froid polaire extrême, quand ce n’était pas dans les mines de charbon ou de cuivre, mal vêtu, mal nourri, mal logé dans des baraques en bois entourées de barbelés et d’une zone de sécurité ».

Au terme de sa peine, Walter Ciszek a l'interdiction de quitter la Sibérie et doit exercer divers métiers pour survivre. Finalement en 1963, il est échangé contre deux espions russes qui avaient été arrêtés aux Etats-Unis.

La description que le jésuite fait de l’image préconçue que ses co-détenus avaient du prêtre avant de le rencontrer, en dit long sur le délabrement spirituel de la Russie soviétique : « pour eux, les prêtres étaient des pervers. Les plus instruits des prisonniers ou les membres de base du Parti communiste avaient intégré de fausses images de l’Eglise par le biais des tracts communistes, dans lesquels on présentait les prétendues erreurs, défaillances, abus et injustices de l’Eglise. Un prêtre, à leurs yeux, était au mieux un homme décalé qui n'avait pas sa place dans la société socialiste et au pire une dupe au service de l’Eglise qui n'était elle-même bien évidemment qu'un outil aux mains des capitalistes ». L'athéisme militant avait fait son œuvre de propagande mensongère.

Avec Dieu au Goulag est un livre qui présente un intérêt historique majeur. En effet, rares sont les témoignages publiés sur le ministère des prêtres catholiques dans les camps soviétiques durant cette période. Mais il est avant tout le récit d’un itinéraire spirituel impressionnant que le père Ciszek a accepté de rédiger parce que, après son retour aux Etats-Unis, on lui demandait constamment comment il avait pu surmonter de telles épreuves.

Avec beaucoup de simplicité, il relate les événements auxquels il a été confronté et qui l’ont conduit à un long dépouillement, mais aussi à un abandon de plus en plus confiant à la Providence, à une sérénité intérieure grâce à laquelle il a pu se préserver de « l’arrogance du mal » qui l’entourait.

Il rapporte son désarroi, ses souffrances, mais aussi le progrès intérieur qu’il a pu connaître. Avec la foi et l'aide de la grâce divine, il a réalisé combien tout événement, y compris les épreuves, sont un don providentiel et une expression de la sainte volonté de Dieu.

« Tout au long de ces années d’isolement et de souffrance, Dieu m’a donné une compréhension de la vie et de son amour que seuls ceux qui les ont expérimentés peuvent mesurer », écrit le Père Ciszek dans la préface de son livre.

Une odyssée spirituelle unique à découvrir ou à relire.

R.P. Walter CISZEK : « Avec Dieu au Goulag », éd. des Béatitudes, 2010, livre-papier 20 €, livre-numérique 14,99 €