Translation des reliques de saint Jean Chrysostome et saint Grégoire de Nazianze
Saints Jean Chrysostome et Grégoire de Nazianze, icône russe du XVIIIe siècle
La translation des reliques de saint Jean Chrysostome (349-407) et de saint Grégoire de Nazianze (330-390) à Constantinople constitue une occasion "de purifier la mémoire du passé et d’avancer dans la pleine communion". C’est ce qu’a affirmé Jean-Paul II lors d’une cérémonie œcuménique dans la basilique Saint-Pierre, le 27 novembre, alors qu’il remettait les reliques au patriarche Bartholomé Ier, venu à Rome pour l’occasion.
"La translation de ces saintes reliques" est "une occasion bénie pour purifier notre mémoire blessée et pour renforcer notre cheminement vers la réconciliation", a déclaré le pape. "C’est le moment propice pour montrer avec des paroles et avec des gestes d’aujourd’hui les immenses richesses que nos Églises conservent dans les trésors de leurs traditions", a-t-il poursuivi, citant sa propre lettre apostolique publiée en mai 1995, Orientale lumen.
Pour le souverain pontife, ce geste veut être une prière d’intercession "pour que le Seigneur hâte l’heure à laquelle nous pourrons ensemble, dans la célébration de la sainte Eucharistie, vivre pleinement la communion". Alors que certains organes de presse ont vu dans ce geste un acte de réparation et de demande de pardon pour les croisades et le sac de Constantinople, le Saint-Siège a fermement démenti l’idée, parlant de "retour" et non de "restitution" des reliques à Constantinople.
Mais le patriarche de Constantinople a remercié chaleureusement Jean-Paul II pour sa "décision de bonne volonté" de "restituer" les reliques qui en ont "ainsi terminé avec cet éloignement involontaire et séculaire, imposé par des circonstances fâcheuses pour l’Eglise". Bartholomé Ier a souligné combien la translation des reliques de ces deux évêques de Constantinople du premier millénaire "est un motif de joie non seulement pour l’Eglise orthodoxe qui les vénère profondément, mais aussi pour tous nos frères catholiques" qui vivent en Turquie. "Nous célébrons aujourd’hui un acte sacré qui répare une anomalie et une injustice ecclésiale", a affirmé le patriarche œcuménique qui estime que ce geste de Rome "confirme qu’il n’existe pas, dans l’Eglise du Christ, de problèmes insurmontables".
"Nous sommes convaincus, Sainteté, que vous désirez fortement l’amélioration des relations entre nos Eglises", a-t-il poursuivi, reconnaissant les "pèlerinages épuisants" du pape à portée œcuménique, avec l’objectif de "cicatriser les vieilles blessures et d’en prévenir de nouvelles". Pour le patriarche, "tout ceci contribue à la création des fondements nécessaires pour poursuivre le dialogue".
Bartholomé Ier a conclu son allocution, espérant que le geste du pape sera "imité" par tous ceux qui, "arbitrairement, possèdent et détiennent encore des trésors de la foi, de la piété populaire et de la civilisation d’autrui, afin qu’ils soient restitués à ceux qui, justement, les recherchent et les réclament".
Le pape, assis sur un trône mobile, était venu accueillir le patriarche dans l’atrium de la basilique où ils se sont donnés le baiser de paix. Ils ont ensuite remonté côte à côte l’allée centrale de la basilique vaticane afin de présider ensemble la cérémonie œcuménique. Puis, les reliques ont été portées en procession du fond de la basilique vers l’autel central, alors que le chœur chantait en latin les litanies des saints. Les chœurs grecs ont accompagné l’encensement des reliques disposées devant l’autel pendant toute la célébration.
Introduisant cette liturgie œcuménique, Jean-Paul II a insisté sur "ce moment significatif de prière, d’échange de dons et de communion fraternelle", avant la lecture de différentes poésies et prières composées par les deux saints, et d’un échange de lettres entre saint Jean Chrysostome et le pape Innocent Ier. La prière universelle, lue alternativement par le diacre orthodoxe et le diacre romain, a fait mention de "la communion" et de la "pleine unité" voulue par Dieu, alors que l’Eglise orthodoxe est séparée de Rome depuis le grand schisme de 1054.
Au terme de la célébration qui a duré plus d’une heure, le patriarche a été reçu en privé par Jean-Paul II, avant que la délégation orthodoxe, accompagnée de la délégation du Saint-Siège – qui se rendait en Turquie pour les cérémonies solennelles de saint André le 30 novembre –, ne prenne l’avion pour Istanbul dans l’après-midi.
Intervenant sur les ondes de Radio Vatican, quelques heures après la célébration œcuménique, le patriarche de Constantinople s’est dit "très ému et très heureux" de cet "événement historique dû à la bonne volonté du pape"."Je considère ce fait comme le plus important de mon service patriarcal des treize dernières années", a-t-il affirmé. "C’est un pas très important vers la pleine unité entre nos deux Eglises sœurs, qui a été très apprécié par le patriarcat œcuménique et par toute l’orthodoxie", a-t-il poursuivi.
Le patriarche a déclaré s’attendre à d’autres avancées dans le dialogue œcuménique, même si "nous ne pouvons pas prévoir lesquelles". "Elles seront toujours positives" et elles devraient "promouvoir de bonnes relations fraternelles entre nous", avant de conclure : "Chacune de ces avancées sera une pierre dans la construction de l’édifice de la pleine unité".
Pour sa part, le cardinal Walter Kasper, chargé au Vatican des relations avec les orthodoxes, a affirmé que cette translation des reliques est un signe que les relations se sont beaucoup améliorées entre Rome et Constantinople. "En second lieu, a-t-il ajouté, elles sont le signe d’un héritage commun de foi dès les premiers siècles de la chrétienté", ces saints étant vénérés aussi bien en Orient qu’en Occident. Le président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens a tenu enfin à souligner que ces ossements ne sont pas des "os morts", ni pour les orthodoxes, ni "pour nous", mais font partie de la réalité céleste et nous permettent d’y participer. "C’est, en définitive, un acte de réconciliation très profond entre Occident et Orient", a-t-il conclu.
Reliquaire en bois, lors de l' ouverture de l' autel à Saint-Pierre-de-Rome (2004)