Translation de la Sainte Maison de Lorette (10 décembre)
Cette fête n’est pas inscrite sur le calendrier universel et obligatoire ; mais elle se célèbre en ce jour, à Rome et dans tout l’Etat pontifical, dans la Toscane, et le royaume de Naples, l’Espagne, la Belgique, dans de nombreux diocèses de la chrétienté, et aussi dans la plupart des ordres religieux.
Origine de cette fête
Elle a pour but de remercier Dieu du grand bienfait dont il daigna gratifier la chrétienté occidentale, lorsque, pour compenser la perte du Saint-Sépulcre, il fit transporter miraculeusement en terre catholique l’humble et auguste maison dans laquelle la Vierge Marie reçut le message de l’Ange, et où, par le consentement de cette divine Mère de Dieu, le Verbe se fit chair et commença d’habiter avec nous.
Tel est le résultat du triste rationalisme auquel la piété française avait été asservie durant plus d’un siècle, qu’il n’est pas rare de rencontrer des personnes sincèrement dévouées à la foi catholique, et pour lesquelles un si grand événement est presque comme s’il n’était pas.
Récit du miracle
Pour venir à leur secours, au cas que ce livre leur tombât entre les mains, nous avons cru devoir placer ici le récit exact et succinct du prodige qui fait l’objet de la Fête d’aujourd’hui ; et afin d’accomplir cette tâche d’une manière qui puisse satisfaire toutes les susceptibilités, nous emprunterons la narration qu’a publiée de cet événement merveilleux le savant et judicieux auteur de la Vie de M. Olier, dans les notes du premier livre de cette excellente biographie :
« Ce fut sous le Pontificat de Célestin V, en 1291, et lorsque les Chrétiens avaient entièrement perdu les Saints-Lieux de la Palestine, que la petite maison où s’est opéré le mystère de l’Incarnation dans le sein de Marie, fut transportée par les Anges, de Nazareth dans la Dalmatie ou l’Esclavonie, sur un petit mont appelé Tersato.
Les miracles qui s’opéraient tous les jours dans cette sainte maison, l’enquête juridique que des députés du pays allèrent faire à Nazareth même, pour constater sa translation en Dalmatie, enfin la persuasion universelle des peuples qui venaient la vénérer de toutes parts, semblaient être des preuves incontestables de la vérité du prodige. Dieu voulut néanmoins en donner une nouvelle, qui eût en quelque sorte l’Italie et la Dalmatie pour témoins.
Après trois ans et sept mois, en 1294, la sainte maison fut transportée à travers la mer Adriatique au territoire de Recanati, dans une forêt appartenant à une Dame appelée Lorette ; et cet événement jeta les peuples de la Dalmatie dans une telle désolation, qu’ils semblaient ne pouvoir y survivre.
Pour se consoler, ils bâtirent, sur le même terrain, une église consacrée à la Mère de Dieu, qui fut desservie depuis par des Franciscains, et sur la porte de laquelle on mit cette inscription : Hic est locus in quo fuit sacra Domus Nazarena quae nunc in Recineti partibus colitur. Il y eut même beaucoup d’habitants de la Dalmatie qui vinrent en Italie fixer leur demeure auprès de la sainte Maison, et qui y établirent la Compagnie du Corpus Domini, appelée pour cela des Esclavons, jusqu’au pontificat de Paul III.
Cette nouvelle translation fit tant de bruit dans la Chrétienté, qu’il vint de presque toute l’Europe une multitude innombrable de pèlerins à Recanati, afin d’honorer la Maison dite depuis de Lorette.
Pour constater de plus en plus la vérité de cet événement, les habitants de la province envoyèrent d’abord en Dalmatie, et ensuite à Nazareth, seize personnes des plus qualifiées, qui firent sur les lieux de nouvelles enquêtes.
Mais Dieu daigna en montrer lui-même la certitude en renouvelant, deux fois coup sur coup, le prodige de la translation dans le territoire même de Recanati. Car, au bout de huit mois, la forêt de Lorette se trouvant infestée d’assassins qui arrêtaient les pèlerins, la Maison fut transportée à un mille plus avant, et se plaça sur une petite hauteur qui appartenait à deux frères de la famille des Antici ; et enfin ceux-ci ayant pris les armes l’un contre l’autre pour partager les offrandes des pèlerins, la Maison fut transférée, en 1295, dans un endroit peu éloigné, et au milieu du chemin public où elle est restée, et où a été bâtie, depuis, la ville appelée Lorette. »
Témoignages irréfutables
Sous le point de vue de simple critique, ce prodige est attesté non seulement par les annalistes de l’Eglise, et par les historiens particuliers de Lorette, tels que Tursellini et Martorelli, mais par des savants de premier ordre, entre lesquels nous citerons Papebrock, Noël Alexandre, Benoît XIV, Trombelli, etc. Quel homme grave et impartial oserait avouer de vaines répugnances, en présence de ces oracles de la science critique, dont l’autorité est admise comme souveraine en toute autre matière ?
Au point de vue de la piété catholique, on ne peut nier que ceux-là se rendraient coupables d’une insigne témérité, qui ne tiendraient aucun compte des prodiges sans nombre opérés dans la sainte Maison de Lorette ; comme si Dieu pouvait accréditer par des miracles ce qui ne serait que la plus grossière et la plus immorale des supercheries.
Ils ne mériteraient pas moins cette note, pour le mépris qu’ils feraient de l’autorité du Siège Apostolique qui s’est employé avec tant de zèle, depuis plus de cinq siècles, à reconnaître ce prodige, et à le proposer aux fidèles comme un puissant moyen de rendre gloire au Verbe incarné et à sa très sainte Mère.
Nous citerons, comme actes explicites du Saint-Siège sur le miracle de Lorette, les bulles de Paul II, de Léon X, de Paul III, de Paul IV et de Sixte V ; le décret d’Urbain VIII, en 1632, pour en établir la fête dans la Marche d’Ancône ; celui d’Innocent XII, en 1699, pour approuver l’Office ; enfin les indults de Benoît XIII et de ses successeurs, pour étendre cette fête à un grand nombre de provinces de la catholicité.
Pour entrer dans l’esprit du Siège Apostolique, qui encourage avec tant de zèle la pieuse confiance des fidèles en la Sainte Maison de Nazareth, devenue, par la miséricorde divine, la Maison de Lorette, nous emprunterons quelque chose à l’Office de sa miraculeuse Translation.
Dom Prosper Guéranger
ANTIENNE
C’est ici le tabernacle de Dieu avec les hommes, et il a habité avec eux ; et ils seront son peuple, et le Dieu qui est avec eux sera leur Dieu.
V/. Nous entrerons dans son tabernacle. R/. Nous adorerons au lieu où se sont reposés ses pieds.
ORAISON
O Dieu, qui avez consacré dans votre miséricorde la Maison de la bienheureuse Vierge Marie par le mystère du Verbe incarné, et qui l’avez placée merveilleusement au sein de votre Eglise : faites que, séparés des demeures des pécheurs, nous devenions dignes d’être les habitants de votre Sainte Maison. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
Illustration : © IStock / GitoTrevisan