Ukraine : mission peu concluante pour l’envoyé du pape

Source: FSSPX Actualités

Volodymyr Zelensky et le cardinal Matteo Zuppi

Le voyage en Ukraine du cardinal Matteo Zuppi les 5 et 6 juin 2023, « envoyé par le Saint-Père avec l’ambition de montrer ce que le Saint-Siège peut apporter pour faire baisser les tensions dans le pays en guerre », comme l’écrit Vatican News, ne paraît pas avoir été couronné d’un franc succès.

Ses soutiens les plus fervents le considèrent comme « le prélat des missions impossibles ». Le cardinal Zuppi, archevêque de Bologne et président de la Conférence des évêques d’Italie (CEI) – l’un des hommes de confiance du pape François – incarne l’influence aussi discrète que prépondérante que la communauté Sant’Egidio a acquise sous l’actuel pontificat, comme l’Opus Dei à l’époque du pape Jean-Paul II.

Sant’Egidio est l’institut à l’origine de la réunion syncrétique d’Assise en 1986 ; c’est aussi l’esprit de la déclaration Fratelli Tutti sur la fraternité universelle signée à Assise par le pape François en 2020. C’est enfin cette communauté qui est le « sponsor » quasi officiel de l’actuel président de la CEI dans l’optique du prochain conclave qui, vu l’état de santé actuel du souverain pontife, occupe tous les esprits, oltretevere.

L’envoi du cardinal Zuppi en Ukraine les 5 et 6 juin derniers tenait du quitte ou double : en cas de succès, la cote du porporato monterait en flèche ; en cas d’échec, même partiel, il faudrait la justifier. C’est à la seconde solution à laquelle il a fallu se résigner : l’archevêque de Bologne, dès son retour, a d’ailleurs déclaré « attendre que le pape François aille mieux pour lui rapporter les fruits de (son) voyage et envisager la suite de sa mission ». Manière diplomatique de signifier un revers.

Fait qui ne trompe pas, le haut prélat, porté à bout de bras par Sant’Egidio, tend à minimiser la portée initiale de son voyage : « ce n’était pas une tentative de médiation », explique-t-il, mais « l’expression d’un intérêt, d’une proximité, d’une écoute pouvant amener à discerner des sentiers de paix ». On saisit ici sans difficulté la fin de non-recevoir opposée par l’exécutif ukrainien aux avances du président de la CEI.

En fait, on sait que le chef de l’Etat ukrainien a répété à l’envoyé du Vatican que la seule paix serait celle que lui et ses alliés auraient choisie, et que la voix du cardinal Zuppi n’avait pas grand poids dans la balance géopolitique : « fallait-il se mettre dans une telle impasse, puisque les deux parties impliquées ont fait clairement savoir au pape que sa voix est négligeable ? », s’interroge Il Foglio.

Un avis que partage le père Jaroslaw Krawiec, prieur général des dominicains d’Ukraine. Selon lui, « le pape François, et plus largement le Saint-Siège, ne peut pas jouer de rôle décisif dans ce conflit. Son attitude reste plutôt critiquée en Ukraine. Sa façon de mettre sur le même plan toutes les victimes de la guerre, sans désigner vraiment les agresseurs, a blessé les gens.

« En même temps, les services d’informations du pays diffusent peu de nouvelles concernant le Pape ou le Vatican. J’ai été étonné de voir comment la visite du président Volodymyr Zelensky lui-même au Vatican, le 13 mai 2023, a été peu relayée », souligne-t-il.

Pour le religieux, l’une des raisons de ce manque d’intérêt est que l’Ukraine n’est pas un pays catholique – 5% de la population, dont 4% grecs-catholiques et 1% de catholiques romains. « A ce titre, l’autorité religieuse du pape n’est pas établie dans le pays comme elle l’est en Pologne », explique le père Krawiec.

Pour les Ukrainiens, l’identité nationale est inséparable du fait d’être « orthodoxe ou grec-catholique. C’est difficile pour les catholiques romains 100% ukrainiens de ne pas être reconnus dans leur identité », conclut le dominicain.

Du côté de la Maison Sainte-Marthe et de Sant’Egidio, reste maintenant à relancer le cardinal Zuppi : Mgr Paolo Pezzi, archevêque catholique de Moscou, a déclaré au Corriere della Sera que Moscou accepterait peut-être une visite du haut prélat, qui pourrait rencontrer le patriarche Kirill. Beaucoup de verbes au conditionnel et bien peu de certitudes.

Cela explique sans doute pourquoi le Secrétaire d’Etat – papabile lui aussi – le cardinal Pietro Parolin, était absent du Vatican lors de la visite de Zelensky le 13 mai dernier : inutile de s’enferrer dans une impasse diplomatique. De quoi faire sourire quand on se rappelle que « zuppi » est le pluriel de « zuppo », terme qui signifie « trempé » dans la langue de Dante…