Un article sur le futur conclave par le cardinal Brandmüller
Le deuxième numéro de la revue Cardinalis, cette nouvelle parution conçue pour les cardinaux en vue du futur conclave, contient un article très intéressant et qui tranche avec la langue de bois ecclésiastique en vogue aujourd’hui.
Le cardinal Walter Brandmüller, ancien président du comité pontifical des sciences historiques, a donné pour titre à cet article : « Prolégomènes sur les entretiens pré-conclaves », ne voulant pas se limiter au prochain, quoiqu’il soit évidemment visé directement.
Le vigoureux nonagénaire rappelle le devoir des cardinaux au moment de procéder à l’élection du Souverain pontife : quel pape doit être élu en raison des circonstances présentes. Et de préciser : « la question doit être discutée avant tout en tenant compte des exigences de la situation doctrinale, morale et juridique actuelle ».
Le changement de perspectives lors des deux derniers siècles
Le cardinal note alors le changement survenu depuis les deux derniers siècles : les papes « ont commencé à se considérer non plus comme des dirigeants d’un Etat pontifical en déclin, mais comme les enseignants et les pasteurs de l’Eglise universelle ». De plus, l’évolution de l’information a fait connaître les papes dans le monde entier.
Et de conclure : « Ainsi, au cours du XIXe siècle, alors que les Etats pontificaux sont menacés et conquis par le Risorgimento, un culte plutôt affectif autour de la personne du pape se répand ». Une autre conséquence est que la sentence “Roma locuta est, causa finita est” « au-delà de sa signification originale, en vint à être considérée comme une maxime de sentire cum Ecclesia ».
Une exagération de la personne du pape
Le cardinal Brandmüller reconnaît que, si cette évolution a permis de resserrer les rangs des catholiques face aux turbulences et aux révolutions, « elles ont également conduit à une exagération théologiquement discutable du ministère et de la personne du pape ».
Cela a permis un lien « plus étroit, voire émotionnel, des catholiques avec le Pape, qui s’est avéré utile par la suite » durant les deux guerres mondiales et face aux dictatures athées – le nazisme et le communisme.
Approfondir le ministère de Pierre
C’est la première conclusion à laquelle aboutit le raisonnement de l’historien ecclésiastique. Ce qui est en question c’est « la relation réciproque entre le pape et l’Eglise ». Et de souligner que le pape est un membre de l’Eglise qui a les devoirs du Servus servorum.
Ce qui implique que « le pape ne doit pas, ou ne peut pas régner comme un monarque absolu ». Ce que veut introduire le cardinal, c’est que le pape n’est pas simpliciter – ou absolument – au-dessus des lois canoniques. « Son action rencontre une limite lorsqu’il s’agit du noyau fondamental de la doctrine et de la constitution de l’Eglise », insiste le haut prélat.
Et d’enfoncer le clou : « En bref, le pape peut commettre un crime lorsqu’il ne respecte pas la loi », même s’il est impossible de l’assigner en justice selon l’adage datant du IVe siècle : « Prima sedes a nemine judicatur », « le premier siège ne peut être jugé par personne ». Ce qui a une implication : « cela correspond à un devoir d’obéissance gradué de la part des membres de l’Eglise ».
Le porporato signale une nouvelle fois les abus possibles dans une phrase qui mérite d’être citée : « L’augmentation de la révocation des évêques par ordre du Mufti dans un passé récent doit être analysé sous cet angle », celui du mystère de l’Eglise, et des limites du pouvoir pontifical.
L’article conclut : « il appartiendra au conclave d’élire un pape conscient de son mandat apostolique, y compris de ses limites ».
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(Source : Cardinalis – FSSPX.Actualités)
Illustration : © Cardinalis