Un commentaire indirect de l’encyclique par Mgr Fellay
La Fraternité Saint-Pie X n’a pas encore proposé une analyse de l’encyclique Deus caritas est. On peut néanmoins voir, dans le sermon du 2 février à Flavigny, un commentaire indirect de Mgr Bernard Fellay sur un point important de la 2ème partie du document pontifical.
S’agissant des rapports entre l’Eglise et l’Etat, le Souverain Pontife écrit : "La distinction entre ce qui est à César et ce qui est à Dieu (cf. Mt 22, 21), à savoir la distinction entre État et Église ou, comme le dit le Concile Vatican II, l’autonomie des réalités terrestres, appartient à la structure fondamentale du christianisme. L’État ne peut imposer la religion, mais il doit en garantir la liberté, ainsi que la paix entre les fidèles des différentes religions. De son côté, l’Église comme expression sociale de la foi chrétienne a son indépendance et, en se fondant sur sa foi, elle vit sa forme communautaire, que l’État doit respecter. Les deux sphères sont distinctes, mais toujours en relation de réciprocité.
(…) Qu’est-ce que la justice ? C’est un problème qui concerne la raison pratique ; mais pour pouvoir agir de manière droite, la raison doit constamment être purifiée, car son aveuglement éthique, découlant de la tentation de l’intérêt et du pouvoir qui l’éblouissent, est un danger qu’on ne peut jamais totalement éliminer. (…) La foi permet à la raison de mieux accomplir sa tâche et de mieux voir ce qui lui est propre. C’est là que se place la doctrine sociale catholique : elle ne veut pas conférer à l’Église un pouvoir sur l’État. Elle ne veut pas même imposer à ceux qui ne partagent pas sa foi des perspectives et des manières d’être qui lui appartiennent. Elle veut simplement contribuer à la purification de la raison et apporter sa contribution, pour faire en sorte que ce qui est juste puisse être ici et maintenant reconnu, et aussi mis en œuvre. (…)
L’ Église ne peut ni ne doit prendre en main la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible. Elle ne peut ni ne doit se mettre à la place de l’État. Mais elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart dans la lutte pour la justice. Elle doit s’insérer en elle par la voie de l’argumentation rationnelle et elle doit réveiller les forces spirituelles, sans lesquelles la justice, qui requiert aussi des renoncements, ne peut s’affirmer ni se développer. La société juste ne peut être l’œuvre de l’Église, mais elle doit être réalisée par le politique. Toutefois, l’engagement pour la justice, travaillant à l’ouverture de l’intelligence et de la volonté aux exigences du bien, intéresse profondément l’Église."
A cette conception des rapports entre l’Eglise et l’Etat, dans la droite ligne de l’enseignement nouveau de Vatican II sur la liberté religieuse, Mgr Benard Fellay répondait, le 2 février dernier, reprenant l’allocution de Benoît XVI à la curie, fin décembre : "Le pape, dans son discours du 22 décembre, nous dit qu’en revenant à cet Etat laïque, l’Église revient à l’Évangile, et pourtant l’Évangile dit le contraire ! L’Évangile dit : "Il faut qu’Il règne". Saint Paul expose admirablement que toute autorité vient de Dieu, toute autorité ! Et que s’il nous faut nous soumettre aux autorités civiles, c’est parce que ce sont des lieutenants de Dieu. C’est de Dieu que ces autorités reçoivent l’autorité sur les âmes et elles répondent à Dieu, à Notre-Seigneur Jésus-Christ de leur manière d’exercer l’autorité, qu’il s’agisse d’Hitler, de Néron, de Gorbatchev, de Chirac, tous ceux que vous voulez, tous, au moment de leur mort apparaissent devant Notre-Seigneur Jésus-Christ pour rendre compte de la manière dont ils ont exercé le pouvoir parce que Notre-Seigneur est leur roi. Qu’il s’agisse des païens ou des chrétiens, c’est la même chose : Notre-Seigneur est le roi de tous !
"Il suffit de regarder d’un peu plus près l’influence qu’a la société dans laquelle les hommes vivent. Quelle influence a la société civile sur leur vie ! Il est tellement évident qu’une société civile imprégnée des lois de Dieu aidera l’âme à faire son salut, et le contraire est tout aussi évident ! Cette société civile dans laquelle la vie de chaque homme se déroule quotidiennement a nécessairement une influence sur sa vie. Pour nous cela relève de l’évidence que la société civile doit être en harmonie avec la société de l’Église, et donc que les principes, les lois qui dirigent, qui organisent la vie humaine doivent être imprégnés jusqu’au bout de la loi de Dieu, du Décalogue. Bien que la fin de cette société civile soit seulement temporelle, il n’y a pas contradiction entre les deux, il doit y avoir nécessairement harmonie. Cela relève de l’évidence pour nous. Eh bien ! nous osons dire que pour le Pape actuel, il semble que l’Etat laïque soit une évidence, soit un axiome, - cela fait partie de ces choses qui sont des principes qui ne se démontrent pas. D’où un immense problème, un point d’achoppement avec les autorités romaines que l’on peut résumer d’un mot : le Concile, et qu’on perçoit très nettement sur cette question de la liberté religieuse." (voir le texte de ce sermon dans nos Documents)