Un DRH au Vatican

Source: FSSPX Actualités

Le père Juan Antonio Guerrero Alves

Sessions de formation, évaluations personnalisées, mobilité interne, primes au mérite… Le transfert de la gestion du personnel de la secrétairerie d’Etat vers le secrétariat pour l’Economie fait souffler un vent de modernité sur le Vatican. Ce qui n’est pas sans causer pleurs et grincements de dents.

Depuis le 5 juin 2022, la Constitution apostolique Praedicate Evangelium, chargée de mettre en œuvre la réforme de la Curie, est entrée en vigueur.

L’une de ses dispositions – celle qui consiste à placer la gestion du personnel du Vatican sous la férule du secrétariat pour l’Economie – serait passée presqu’inaperçue, si l’intervention du père Juan Antonio Guerrero Alves dans Vatican News, le 1er juin dernier, ne l’avait mise en pleine lumière.

Désormais, le jésuite, à la tête du secrétariat pour l’Economie depuis 2019, est devenu le « DRH du Saint-Siège ». Une petite révolution au sein du micro-Etat puisque, jusqu’ici, la gestion des employés du Vatican était l’une des – nombreuses – prérogatives de la secrétairerie d’Etat.

Une réforme accouchée dans la douleur : le 7 mars dernier en effet, une indiscrétion de la section pour les affaires générales de la secrétairerie d’Etat alertait sur la création d’un organe de direction générale du personnel, annonce qui devait être démentie le lendemain par le Bureau de presse, arguant qu’il ne s’agissait là que d’une pure hypothèse de travail émise par le Conseil des cardinaux.

Trois mois plus tard cependant, l’« hypothèse de travail » était intégrée dans la nouvelle loi fondamentale régissant la Curie, au grand dam de la secrétairerie d’Etat.

En fait, la décision du souverain pontife a été largement motivée par le déroulement de l’enquête et du procès sur l’investissement présumé frauduleux dans un immeuble de luxe de Londres : l’occasion de réguler enfin les compétences d’une secrétairerie d’Etat dont l’autonomie et l’indépendance semblaient avoir montré ses limites de façon trop évidente.

Sans parler du fait que le personnel du plus petit Etat du monde avait fort peu apprécié la circulaire signée en 2014 par le secrétaire d’Etat en personne – le cardinal Pietro Parolin – qui décrétait un gel des embauches et des traitements, ainsi que la suppression du bonus de 500€, octroyé à tous les fonctionnaires lors de l’élection d’un nouveau pape…

Au-delà du transfert de compétence vers le secrétariat qu’il dirige, c’est un changement de paradigme dans la gestion du personnel que souhaite le père Guerrero. Désormais, l’heure de la « planification » et de la « gestion » des personnels a sonné avec un but en tête : mieux contrôler les dépenses.

Le jésuite évoque le nécessaire « renforcement du professionnalisme » et met l’accent sur la « mobilité interne » des employés qui devront « acquérir des compétences extérieures », le secrétariat pour l’Economie souhaitant dans l’avenir, « embaucher des collaborateurs conscients de ce que travailler pour le Saint-Siège représente ».

Dans cette perspective, le secrétariat pour l’Economie entend entamer une « réflexion sur les plans de carrière » et mettre sur pied un « système d’évaluation du travail de chacun ».

D’ici quelques mois, le père Guerrero pourrait même changer le système de rémunération des employés, en combinant primes au mérite et salaires fixe : du jamais vu oltretevere, où désormais, chacun a les pieds dans ses petits souliers…