Un nouveau rescrit du pape François
Cardinal João Braz de Aviz
Une association publique de fidèles souhaitant devenir un institut de vie consacrée ou une société apostolique de droit diocésain devra désormais avoir le feu vert du Dicastère pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, et non le seul accord de l’évêque local selon un rescrit du Pape promulgué ce mercredi 15 juin 2022.
Lors de l’audience accordée le 7 février dernier au cardinal préfet du Dicastère pour les Instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, le cardinal João Braz de Aviz, François a approuvé spécifiquement la disposition suivante, explique le rescrit paru ce mercredi 15 juin :
« L’évêque diocésain, avant d’ériger une association publique de fidèles en vue de devenir un Institut de vie consacrée ou une Société de vie apostolique de droit diocésain, doit obtenir l’autorisation écrite du Dicastère pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique. »
Ces associations publiques de fidèles en attente d’un statut religieux ou de vie apostolique sont dites « in itinere », en chemin. D’après une source de cath.ch, le cas spécifique du diocèse de Fréjus-Toulon – dont les ordinations viennent d’être suspendues – n’est pas à l’origine de ce rescrit.
« Certaines associations étaient devenues une réalité “hors de contrôle”, car les évêques pouvaient en ériger sans rien demander à Rome. Et ils n’étaient pas forcément armés pour veiller au respect de la spécificité de la vie consacrée », analyse-t-elle.
Le Vatican affirme que le Rescrit s’intègre dans la synodalité promue par François, pour développer une collaboration plus étroite entre la Curie et les évêques diocésains, comme le Pape l’avait souligné dans son discours à l’Assemblée plénière de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique le 11 décembre dernier.
Une régulation jugée nécessaire au niveau mondial
En de nombreux pays, la floraison des communautés nouvelles depuis les années 1970 s’est accompagnée de dérives, concernant le respect du for interne et la profession de la foi.
Une régulation croissante de ces communautés de droit diocésain par Rome a progressivement été mise en place. Le motu proprio de François Authenticum charismatis, du 4 novembre 2020, a rendu obligatoire l’autorisation du Saint-Siège pour toute reconnaissance d’un nouvel Institut de vie consacrée dans le cadre diocésain. Auparavant, l’avis de Rome n’était que consultatif.
Une note du 11 juin 2021 du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, imposait une rotation des mandats au sein des associations de fidèles, limitant à deux quinquennats la mission des cadres, pour éviter les abus de pouvoir.
Le Rescrit du 15 juin 2022 concerne le cas des associations de fidèles évoluant vers la vie religieuse, ce qui n’est pas le cas de toutes ces associations : les mouvements d’action catholique, ou encore culturels voire sportifs, ne sont pas concernés par le texte.
Le Rescrit cherche à éviter la multiplication de petites communautés de statut canonique mal défini, avec peu de membres, souvent peu viables. De plus, l’autorité n’y est pas fondée de manière institutionnelle, ce qui favorise les dérives.
Le port éventuel de l’habit religieux, l’intégration variable de ces communautés dans la vie des paroisses et des diocèses, et la personnalité des fondateurs, qui sont parfois des religieux détachés de leur ordre d’origine, peuvent constituer des sources de confusion pour les fidèles.
Une vérification du discernement
Selon cath.ch, le pape François cherche à établir une régulation plus stricte et confirme un « renforcement du contrôle de Rome sur le discernement des évêques en matière de vie consacrée », explique un canoniste.
Toutefois, le terme d’« autorisation écrite » est « distinct d’une approbation qui serait un partage de la responsabilité de la décision. Dans ce cas, il s’agit d’une vérification du discernement », l’évêque demeurant donc, en droit diocésain, le responsable ultime de la décision.
Deux remarques sur ce nouveau rescrit
Primo, la réalité est que le texte limite clairement l’autonomie et l’autorité des évêques, qui sont pratiquement annulées par l’autorité du Saint-Siège, dans le domaine concerné. Mais cela n’est pas étonnant. Les évêques ont été les grands perdants du Concile et des réformes postconciliaires.
Il faut toutefois admettre que la Curie romaine, par sa vision universelle de l’Eglise, et par le traitement quotidien des difficultés qui surgissent d’un peu partout, a une grande expérience. Elle peut donc aider à traiter ces questions. Il reste que la décentralisation voulue par François est pour le moment sérieusement battue en brèche.
Et secundo, la liberté extravagante postconciliaire, qui a permis de faire tout et n’importe quoi dans divers domaines, a produit des excroissances diocésaines semblables à des tumeurs. Combien de temps a-t-il fallu, par exemple, pour mettre au pas les membres des fondations charismatiques qui n’avaient aucune formation et qui professaient assez souvent de véritables hérésies ?
Seuls les évêques et la Curie romaine pourraient donner un tableau de ce désastre : les forces éparpillées des fidèles, sans berger et sans guide, au nom d’une liberté mal comprise, et l’incapacité – ou parfois la complicité – des évêques devant ce foisonnement tumoral. Derrière le motu proprio, ce sont ces deux réalités qui se cachent.
(Sources : Saint-Siège/cath.ch – FSSPX.Actualités)
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