Vatican-Chine : le pape espère renouveler l’accord avec Pékin en octobre
Agostino Giovagnoli
Dans un entretien accordé à l’agence de presse Reuters le 2 juillet 2022 et publié le 4 juillet, le pape François déclare que l’accord provisoire avec Pékin sur la nomination des évêques « se passe bien » et espère le voir renouvelé au mois d’octobre prochain.
« La diplomatie est l’art du possible et de faire des choses pour que le possible devienne une réalité », affirme-t-il, reconnaissant que cet accord n’est pas idéal.
L’accord provisoire entre la Chine et le Saint-Siège est en vigueur depuis le 22 octobre 2018. Valable pour deux ans il a été renouvelé pour deux années supplémentaires en octobre 2020. L’accord, toujours tenu secret, arrivera à terme en octobre 2022.
« L’accord avance bien », estime le souverain pontife. Il reconnaît que le processus de nomination des évêques « va lentement », mais explique qu’il s’agit de la « méthode chinoise parce que les Chinois ont ce sens du temps où personne ne peut les presser ».
Dans cet entretien, François soutient la ligne tenue par la diplomatie vaticane, malgré les légitimes contestations qu’elle suscite. Il déclare ainsi : « Celui qui porte cet accord est le cardinal Pietro Parolin qui est le meilleur diplomate du Saint-Siège, un homme de haut rang diplomatique. Et il sait bouger, c’est un homme de dialogue, et il dialogue avec les autorités chinoises. Je crois que la commission qu’il préside a tout fait pour aller de l’avant et chercher une issue, et elle l’a trouvée. »
François défend également la politique des petits pas, ce « martyre de la patience » dont parlait le cardinal Agostino Casaroli, architecte de l’Ostpolitik du Vatican envers les pays d’Europe de l’Est, alors dans le bloc soviétique.
« Beaucoup ont dit tant de choses contre Jean XXIII, contre Paul VI, contre Casaroli, explique-t-il, mais la diplomatie est ainsi faite. Face à une situation fermée, il faut chercher le possible, pas l’idéal. La diplomatie est l’art du possible et de rendre le possible réel. Le Saint-Siège a toujours eu ces grands hommes. Cette démarche avec la Chine est menée par Parolin, qui est grand à cet égard. »
Pendant ce temps, à Hong Kong…
« Mais pendant ce temps, à Hong Kong, écrit Sandro Magister le 14 juillet sur son blogue Settimo Cielo, les mesures de privation de liberté se font de plus en plus sentir, à 25 ans du retour de la cité à la mère patrie. »
Le vaticaniste italien précise que le chef de l’exécutif, John Lee, élu le 8 mai dernier par 99 % des membres du comité électoral contrôlé par Pékin, et déclaré catholique, n’avait pas hésité à réprimer durement les manifestations populaires pour la liberté, jusqu’aux plus pacifiques, lorsqu’il était chef du département pour la sécurité en 2019.
Le 16 avril dernier, cinq éminents catholiques ont été condamnés et jetés en prison. « Ce sont les confesseurs de notre temps », écrivait à leur sujet le P. Gianni Criveller des Missions étrangères italiennes, qui les connaissait personnellement.
Puis, le 11 mai, le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, âgé de 90 ans, était également arrêté. Et Sandro Magister de rappeler : « La nouvelle de son arrestation a été accueillie par le silence total de François, qui s’était déjà montré impitoyable avec le cardinal Zen, en refusant de le recevoir quand il avait fait le voyage à Rome depuis Hong Kong en septembre 2020, pour frapper en vain pendant quatre jours à la porte du pape. »
Le 5 juillet, l’agence Reuters rapportait les propos tenus par Mgr Javier Herrera-Corona, représentant officieux du Vatican à Hong Kong, à la cinquantaine de missions catholiques de la ville.
Avant de terminer son mandat de six ans, il tint à les informer que les libertés dont elles ont bénéficié pendant des décennies sont terminées, prévenant qu’une intégration plus étroite avec la Chine dans les années à venir pourrait entraîner des restrictions similaires à celles mises en place en Chine continentale sur les groupes religieux.
« Le changement arrive, et vous feriez mieux d’être prêts », a-t-il averti en les incitant à protéger les biens, les dossiers et les fonds de leurs missions.
De même le P. Gianni Criveller, avait évoqué le 1er juillet sur son blogue Mondo e Missione, « Hong Kong et les promesses non tenues d’il y a 25 ans ». Il citait alors Mgr Stephen Chow, évêque de Hong Kong depuis le 17 mai 2021, disant que la vie des personnes et des croyants à Hong Kong « ressemble de plus en plus à une existence entre deux feux ».
Le P. Criveller considère l’affaire de Hong Kong comme « une histoire de promesses et d’espoirs trahis ». Et il poursuit en commentant : « L’arrestation du cardinal Joseph Zen, évêque émérite du diocèse et “conscience de Hong Kong”, nous l’a douloureusement rappelé : une ligne invisible que l’on croyait infranchissable a été franchie.
« Les chrétiens ne perdent pas espoir : ils savent bien que l’opposition du pouvoir à l’Evangile et à son message de liberté n’est pas une exception, mais plutôt une issue à laquelle il faut se préparer courageusement. »
A l’appui de la diplomatie du Vatican
Derrière l’attitude du Vatican qu’il qualifie de « nettement sinophile », Sandro Magister dénonce « un groupe de pression et un expert ». Il précise que le groupe de pression est la Communauté de Sant’Egidio, et l’expert, le professeur Agostino Giovagnoli.
Ce dernier est depuis des décennies l’éminence grise de la Communauté, écrit-il. « Il enseigne l’histoire contemporaine à l’Université catholique de Milan et il est le principal commentateur des questions entre le Vatican et la Chine – ainsi qu’en matière de géopolitique – pour le quotidien de la conférence épiscopale italienne Avvenire. »
Giovagnoli est membre du comité scientifique de l’Institut Confucius de l’Université catholique de Milan, l’un de ces nombreux instituts, explique Sandro Magister, ouverts par Pékin dans le monde entier pour la propagation de la langue et de la culture chinoise…
Le vaticaniste italien rappelle que le cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne et successeur potentiel du pape François, est attaché à la Communauté de Sant’Egidio depuis l’origine. D’aucuns préviennent que si l’archevêque de Bologne venait à être élu, ce serait en filigrane l’élection d’Andrea Riccardi, fondateur et chef de la Communauté. – « Et pourquoi pas avec Giovagnoli à la Secrétairerie d’Etat », conclut Sandro Magister.
(Sources : cath.ch/i.media/Vatican news/settimo cielo/DICI n°423 – FSSPX.Actualités)
Illlustration : © Sant’Egidio