Vatican I : retour sur un concile inachevé (4)
Quatrième épisode : un printemps prometteur
Il y a cent cinquante ans, s’ouvrait le premier concile du Vatican, sous la houlette du pape Pie IX. FSSPX.Actualités revient sur l’histoire passionnante d’un concile qui fut le théâtre de l’opposition entre libéraux et ultramontains, et au terme duquel fut proclamé le dogme de l’infaillibilité pontificale.
Du 22 février au 18 mars 1870, les travaux du concile sont suspendus, le temps d’améliorer l’acoustique dans la travée de Saint-Pierre où se déroulent les débats. C’est surtout le temps pour la minorité anti-infaillilbiliste de “digérer” les nouvelles règles qui ont été promulguées dans le but d’éviter que les discussions ne continuent de s’enliser.
En effet, le nouveau règlement approuvé par le pape Pie IX, le 22 février, comporte quatre modifications notables :
Les propositions d’amendements et les critiques des schémas doivent être communiquées par écrit et non plus par oral, comme c’était le cas auparavant ;
Le vote a lieu désormais selon la position « assise » ou « levée », ce qui est censé faire gagner chaque fois une heure et demie par rapport au vote par « placet » individuel qu’il faut compter un à un ;
Les présidents sont autorisés à mettre aux voix la clôture anticipée d’une discussion, si au moins dix pères en font la demande ;
La majorité absolue des voix suffit pour qu’une constitution soit adoptée.
Sans surprise, les chefs de la minorité manifestent leur opposition aux deux dernières modifications du règlement. Une protestation rédigée par Mgr Dupanloup est signée par cinquante prélats, dont trente Français. Les évêques du monde germanique présentent de leur côté une pétition plus radicale, qui rassemble quatorze signatures. Certains pères menacent même de quitter le Concile s’ils n’obtiennent pas gain de cause !
La suspension des débats permet aux esprits de s’apaiser. Lorsque ceux-ci reprennent, le 18 mars, c’est le schéma sur la Révélation préparé par le jésuite Johann Baptist Franzelin - remanié entre autres par Mgr Pie et le père Kleutgen - qui est placé sous les feux des projecteurs.
L’heure semble à la détente : le schéma rencontre la faveur des pères et la discussion ne porte tout d’abord que sur des amendements de détail. Ainsi Mgr Joachim Pecci - futur pape Léon XIII - demande - en vain - la condamnation explicite de l’erreur dite du « traditionalisme ».
Développée au XIXe siècle par des penseurs comme Bonald ou Bonnetty, la doctrine du traditionalisme prétend que les connaissances de l’ordre métaphysique, moral et religieux ne sont pas accessibles à la raison individuelle. Dans cette perspective, on ne saurait les acquérir avec certitude que par une révélation - dite primitive -, laquelle se transmet et est attestée avec autorité par la langue, l’esprit d’un peuple, la tradition, la pensée collective, etc.
Le calme des discussions est interrompu de façon soudaine par un prélat croate, Mgr Joseph Strossmayer, évêque de Bosnie et Syrmie, qui reproche au schéma sa rudesse par rapport au protestantisme. Il profite de son intervention pour se plaindre des modifications apportées au règlement du Concile, ce qui lui valut un certain nombre de quolibets.
Comme on pouvait s’y attendre, l’incident est exploité par quelques polémistes et la presse, qui présentent à l’opinion cet épisode comme caractéristique du clivage entre la majorité et la minorité. Il y eut même un prêtre apostat pour composer un discours apocryphe attribué à Mgr Strossmayer, qui eut un succès de scandale après le concile.
Un vote sur l’ensemble du schéma retouché se tient le 12 avril : 83 pères ont recours au « placet iuxta modum », qui prévoit l’examen de nouveaux amendements.
Un ultime vote est organisé le 24 avril 1870. Mgr Strossmayer et quelques autres pères sont tentés d’opposer un refus définitif, mais, sur le conseil des cardinaux Schwarzenberg et Rauscher, ils y renoncent, afin de ne pas faire montre d’une opposition systématique, qui aurait nuit à la minorité dans la suite des débats.
C’est ainsi que la première constitution du concile est votée à l’unanimité des 667 membres présents. Elle porte le nom de Dei Filius, et constitue une véritable boussole pour se prémunir des erreurs modernes. Dans les jardins du Vatican, en cette année 1870, le printemps semble très prometteur.
A suivre…
(Source : Fliche et Martin, Histoire de l’Eglise des origines à nos jours, tome 21, Bloud et Gay 1952 - FSSPX.Actualités - 23/04/2020)