Vers une réforme rapide de la curie romaine ?

Source: FSSPX Actualités

Le 13 avril 2013, la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège a fait paraître le communiqué suivant : « Le pape François, reprenant une suggestion faite au cours des Congrégations générales ayant précédé le conclave, a constitué un groupe de cardinaux pour le conseiller dans le gouvernement de l’Eglise universelle et pour étudier un projet de révision de la Constitution apostolique Pastor bonus (28 juin 1988, ndlr) sur la curie romaine ».

Ce communiqué donnait la composition de ce groupe de cardinaux : Giuseppe Bertello, Président du Gouvernorat de l’Etat de la Cité du Vatican ; Francisco Javier Errázuriz Ossa, archevêque émérite de Santiago du Chili (Chili) ; Oswald Gracias, archevêque de Bombay (Inde) ; Reinhard Marx, archevêque de Munich et Freising (Allemagne) ; Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kinshasa (République Démocratique du Congo) ; Sean Patrick O’Malley, O.F.M. Cap., archevêque de Boston (Etats-Unis) ; George Pell, archevêque de Sydney (Australie) ; Oscar Andrés Rodríguez Maradiaga, S.D.B., archevêque de Tegucigalpa (Honduras), qui aura aussi la charge de la coordination des membres. Mgr Marcello Semeraro, évêque du diocèse d’Albano, est nommé secrétaire du groupe des conseillers. Et il était précisé que « la première réunion a été fixée du 1er au 3 octobre 2013 », mais que le pape « est toutefois d’ores et déjà en contact » avec les cardinaux nommés. L’agence Apic, dans une dépêche du 13 avril, commentait ce communiqué : « Par la création de ce groupe informel – qui n’est pas un conseil pontifical ou une commission, précise-t-on au Vatican – chargé de le conseiller dans le gouvernement de l’Eglise et dans la préparation d’une réforme de la curie, le nouveau souverain pontife semble vouloir répondre à la requête pressante de nombreux cardinaux réunis avant le dernier conclave en vue d’une réforme de la curie, et d’une plus grande collégialité. (...) Pour ce groupe "consultatif et non décisionnaire", a précisé le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, le pape François a fait appel à un seul Italien, le diplomate Giuseppe Bertello. S’il n’est pas membre de la curie à part entière car à la tête de l’Etat de la Cité du Vatican, il est le seul à résider à Rome. D’aucuns imaginent qu’il pourrait, dès lors, être prochainement nommé secrétaire d’Etat. » Et d’apporter quelques précisions : pour coordonner ce groupe, le pape a désigné le cardinal hondurien Oscar Andrés Rodríguez Maradiaga, religieux salésien, archevêque de Tegucigalpa mais aussi président de Caritas Internationalis. Le secrétaire du groupe est l’évêque d’Albano – diocèse proche de Rome où se trouve la résidence d’été des papes, Castel Gandolfo –, Mgr Semeraro. Celui-ci a déjà collaboré avec le cardinal Bergoglio en 2001, lors du synode des évêques où le futur pape était secrétaire spécial et le prélat italien rapporteur général. Le 13 avril, l’Agence France Presse ajoutait : « Ces cardinaux vont devoir réviser la Constitution apostolique Pastor bonus promulguée par Jean-Paul II en 1988 pour la curie romaine, un organe que Benoît XVI n'avait pas su réformer. (...) Le gouvernement du Saint-Siège a été affecté par l'affaire des fuites de documents confidentiels de Benoît XVI ‘Vatileaks’. Un rapport de 300 pages rédigé par trois cardinaux a été transmis au nouveau pape. Mais c'est aussi une avalanche de révélations, fondées ou non, concernant des scandales sexuels et financiers qui a déferlé sur le Vatican et l'Eglise. Ce sont surtout celles sur des scandales de pédophilie impliquant des milliers de prêtres dans le passé qui ont profondément ébranlé l'Eglise.

Le fait que la collégialité, prévue par le concile Vatican II (1962 - 1965) soit restée largement lettre morte sous Benoît XVI – qui réunissait au plus deux fois par an ses ‘ministres’ de manière très formelle – avait été à cet égard très souvent déploré. » Et Le Figaro du 15 avril fournissait une explication similaire : « Ce pape veut continuer la réforme de la curie explicitement menée par Jean-Paul II de 1985 à 1988, mais dont l'application, à force de résistances passives internes, n'est que très partiellement réalisée. Il souhaite, dans la même dynamique, réaliser ce que le concile Vatican II avait décidé : une plus grande ‘collégialité’ dans le gouvernement de l'Eglise. En finir, donc, avec la ‘cour papale’ et avec le ‘centralisme romain’. Pour davantage impliquer les cardinaux et évêques des continents dans les grandes décisions. »

 « On ne peut pas exclure que la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège aura moins de pouvoirs »

De fait, le 15 avril, le secrétaire du groupe nouvellement constitué, Mgr Marcello Semeraro, accordait un entretien au Corriere della sera qui confirmait les analyses des journalistes. « On ne peut pas exclure que la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège aura moins de pouvoirs », affirmait l’évêque d’Albano. Alors que Paul VI avait renforcé ses pouvoirs pour que la Secrétairerie d’Etat constitue un trait d’union entre le pape et les dicastères, il faut réadapter les structures au regard des besoins de l’Eglise d’aujourd’hui, estimait-il, rappelant que Benoît XVI lui-même avait parlé de la nécessité d’affronter les mutations rapides du monde actuel au moment de l’annonce de sa renonciation. Mgr Semeraro déclarait que les chefs de dicastère, et en particulier les préfets des congrégations, souhaitaient un retour à des audiences régulières accordées par le souverain pontife, à un rapport plus fréquent et direct. « Ces dernières années, confiait-il, les responsables de dicastère avaient perdu de leur autonomie et la Secrétairerie d’Etat avait un contact plus rapproché avec le pape, trop au goût de certains ».

A une question sur le rôle exact de ce groupe, le prélat italien répondait que cette entité inédite ne remplacerait absolument pas les organismes de la curie et n’en ferait pas partie. Il préférait parler d’un « petit synode de communion qui rassemble des évêques de tous les continents », n’hésitant pas à dresser un parallèle avec le synode des évêques voulu par Paul VI. Néanmoins, annonçait-il, le groupe des cardinaux se réunira bien plus souvent, probablement tous les deux ou trois mois. « Nous saurons dans les prochains jours quels sujets seront traités au mois d’octobre, lors de la première réunion ». Le 17 avril, le cardinal Francesco Coccopalmerio, président du Conseil pontifical pour les textes législatifs, déclarait lors d’une émission sur la chaîne de télévision publique italienne, Rai Storia, que les délais pour une réforme de la curie seraient « rapides ». « Ce pape ne perd pas de temps », assurait-il. « La réforme devrait commencer par la curie romaine qui est l’instrument entre les mains du pape ». Selon le prélat romain, le pontife ne peut pas accomplir seul ces activités, mais devrait confier ce travail aux dicastères ; cela implique que le pape doive toujours connaître le travail de chaque dicastère. A ses yeux, le Secrétariat d’Etat du Saint-Siège pourrait demeurer en l’état, avec son individualité et ses fonctions, mais il serait aidé de façon plus stable par un petit collège de trois ou quatre personnes, qui serait cependant différent du groupe des cardinaux nommés récemment par le pape.

 « Placer aux côtés du pape des personnes compétentes »

Le cardinal Coccopalmerio, ancien évêque auxiliaire du très progressiste cardinal Carlo Maria Martini – archevêque de Milan pendant plus de 15 ans et partisan d’une plus grande collégialité dans l’Eglise –, confirmait ainsi que la tendance amorcée par le pape François allait dans la direction d’un pouvoir pontifical plus collégial. « L’une des demandes du conclave apparue lors des Congrégations générales, affirmait le cardinal romain, est de placer aux côtés du pape des personnes compétentes, provenant des quatre coins du monde, qui portent les doléances des différentes communautés chrétiennes ».  Mgr Angelo Becciu

Cependant le 30 avril, dans L’Osservatore Romano, le quotidien du Vatican, Mgr Angelo Becciu, substitut de la Secrétairerie d’Etat, accordait un entretien qui recadrait tous les commentaires faits par ces prélats et journalistes, depuis deux semaines. A la question : « Sur la réforme de la curie, les voix ont été nombreuses : équilibre des pouvoirs, modérateurs, coordinateurs, ‘superministères de l’économie’, révolutions… », Mgr Becciu répondait : « C’est un peu étrange : le pape n’a pas encore rencontré le groupe de conseillers qu’il s’est choisi que déjà les conseils pleuvent... Après avoir parlé avec le Saint-Père, je peux dire qu’en ce moment il est absolument prématuré d’avancer quelque hypothèse que ce soit sur la future organisation de la curie. Le pape François est en train d’écouter chacun, mais en premier lieu il voudra écouter ceux qu’il a choisis comme conseillers. Ensuite sera mis sur pied un projet de réforme de Pastor bonus, qui bien sûr devra suivre toute la procédure. » Sur la question d’une réforme « rapide », voici la réponse de Mgr Becciu : « Je ne peux pas prévoir les délais. (...) Tous continuent dans leur charge ‘jusqu’à de nouvelles dispositions’ (donec aliter provideatur). Cela indique la volonté du Saint-Père de prendre le temps nécessaire de réflexion – et de prière, nous ne devrions jamais l’oublier – pour avoir un tableau précis de la situation. »

La rumeur sur une éventuelle suppression de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR) 

A l’objection selon laquelle ce groupe de conseillers pourrait remettre en cause le primat du pape, le prélat romain répond : « Il s’agit d’un organe consultatif, non décisionnel, et je ne vois vraiment pas comment le choix du pape François peut mettre en discussion le primat. En revanche, il est vrai qu’il s’agit d’un geste d’une grande importance, qui veut donner un signal précis à propos des modalités selon lesquelles le Saint-Père voudra exercer son ministère. » Et de préciser : « La fonction de conseiller doit être interprétée dans un sens théologique : dans l’optique du monde nous devrions dire qu’un conseil sans pouvoir délibératif est sans importance, mais cela signifierait rendre l’Eglise équivalente à une entreprise. En revanche, théologiquement, le fait de conseiller possède une fonction d’une importance absolue : aider le supérieur dans l'œuvre de discernement, c’est-à-dire à comprendre ce que l’Esprit demande à l’Eglise à un moment historique précis. Sans cette référence, du reste, on ne comprendrait rien non plus à la signification authentique de l’action de gouvernement de l’Eglise. »

A l’occasion de cet entretien, le substitut de la Secrétairerie d’Etat revient sur la rumeur qui a couru dans la presse d’une éventuelle suppression de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR) : « Le pape a été très surpris de se voir attribuer des phrases qu’il n’a jamais prononcées et qui trahissent sa pensée. L’unique évocation à ce sujet a été faite au cours d’une brève homélie à Sainte-Marthe (le 24 avril, ndlr), improvisée, dans laquelle il a rappelé avec passion que l’essence de l’Eglise consiste en une histoire d’amour entre Dieu et les hommes, et que les diverses structures humaines, au nombre desquelles l'IOR, sont moins importantes. La référence a été faite sur le ton de la plaisanterie, motivé par la présence à la messe de quelques employés de l’Institut, dans le contexte d’une invitation sérieuse à ne jamais perdre de vue le caractère essentiel de l’Eglise. » Commentaire : Cette mise au point parue en première page de L’Osservatore Romano, s’explique par le climat particulier qui règne à Rome au début de ce nouveau pontificat. Un observateur romain confiait à DICI que quelques prélats et certains vaticanistes prêtent volontiers au pape les intentions qu’ils voudraient voir se réaliser. Ils anticipent, espérant que leurs désirs personnels se transforment en décisions romaines, voire en nominations ; et ils souhaitent vivement que cette anticipation devienne une information. En l’occurrence, ce fut plutôt une déception.