Vingt-trois ans après : l’euthanasie en Belgique

Source: FSSPX Actualités

Alors que l’Assemblée nationale française devrait examiner au mois de mai 2025 un double projet de la loi sur la fin de vie donnant la priorité aux soins palliatifs sur l’euthanasie, la Commission fédérale belge de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie vient de publier son onzième rapport. On y constate la dérive de la mort en gants blancs dans un pays où l’euthanasie est légale depuis près de 23 ans.

Vingt-trois ans. Un bel âge pour une jeune femme. Sauf quand elle revêt l’apparence d’un squelette qui aurait troqué la seringue contre la faux : l’euthanasie a été gravée dans le marbre de la loi du Plat Pays le 28 mai 2002, pour les adultes atteints dune « souffrance physique ou psychique constante, insupportable et inapaisable » due à une affection « grave et incurable ». En 2014, elle a été étendue aux mineurs sans limite d’âge, sous certaines conditions concernant la capacité de discernement et l’accord parental.

Une Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de leuthanasie (CFCEE) est censée superviser lapplication de la loi et vérifier que chaque cas respecte les critères légaux : c’est elle qui vient de publier, le 22 janvier 2025, son dernier rapport qui couvre les années 2022-2023. Les chiffres fournis sont éloquents : depuis 2002, le nombre deuthanasies déclarées na cessé daugmenter.

Ainsi, entre 2002 et 2023, plus de 33 615 personnes ont été euthanasiées selon les rapports officiels. En 2023, dernière année complète pour laquelle des chiffres détaillés sont disponibles, 3 423 euthanasies ont été enregistrées, soit une hausse de 15% par rapport à 2022 (2 966 cas). Cela représente environ 3,1% des décès en Belgique cette année-là, contre 2,5% en 2022. Cette croissance est continue : le nombre a plus que décuplé depuis 2003, première année complète dapplication.

Les affections les plus courantes à lorigine des demandes restent les cancers (55,5% en 2023), suivis des polypathologies (23,2%), souvent liées au vieillissement (insuffisance cardiaque, AVC, etc.). Cependant, on observe une progression notable des cas pour des troubles psychiatriques (1,4%, soit 48 cas en 2023) et cognitifs comme Alzheimer (1,2%).

Les euthanasies de mineurs restent rares : cinq cas depuis 2014, dont une jeune fille de 16 ans en 2023, atteinte dune tumeur cérébrale. Mais le simple fait de mettre à mort un enfant montre dans quel état de barbarie une société a pu tomber.

Il faut noter le phénomène émergent de lafflux de patients étrangers, principalement français (101 des 110 cas en 2023), attirés par la législation belge, inexistante dans l’Hexagone.

Que dire de laugmentation des euthanasies pour polypathologies, qui ne sont pas toujours mortelles mais cumulatives avec l’âge ? En 2023, 20,8% des cas (plus de 700 personnes) concernaient des patients dont le décès n’était pas imminent, contre 4% en 2012.

Les troubles psychiatriques, bien que marginaux, alimentent l’accusation de dérive, notamment sur la difficulté à évaluer lincurabilité et la subjectivité de la souffrance psychique.

Les soins palliatifs, bien que disponibles, sont souvent relégués au second plan : c’est d’ailleurs sur cette sinistre piste que s’engageait la France avant la dissolution de juin 2024. Le gouvernement de François Bayrou entend scinder le projet initial de loi sur la fin de vie afin de donner la priorité aux soins palliatifs sur l’euthanasie : une tactique que les progressistes n’ont pas tardé à taxer d’hypocrisie.

Le rapport de la CFCEE met en relief cette banalité du mal évoquée par Hannah Arendt dans son ouvrage Eichmann à Jérusalem, publié en 1963 : selon la philosophe, le mal le plus inouï – incarné à l’époque par les camps de la mort – peut être commis par des criminels qui agissent avec l’attitude de ceux qui poseraient des faits banals, des actes communs ou quelconques à leurs yeux.

C’est bien à ce mécanisme pervers que nous renvoie l’euthanasie lorsqu’elle devient légalisée, tel un soin. Reste à savoir si l’Hexagone saura résister – et si oui pour combien de temps ? – aux funestes sirènes de la mort en gants blancs.