Voyage du pape en Asie et Océanie
Le pape François au Timor oriental
Ce voyage apostolique couvre en moins de deux semaines, du 2 au 13 septembre 2024, l’Indonésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Timor oriental et Singapour. Soit 44 heures de vol, 12 discours officiels et 4 messes solennelles, pour le pape François qui aura 88 ans le 17 décembre 2024.
Première étape, l’Indonésie
En Indonésie, les catholiques sont très minoritaires avec 3,1% de la population, environ 8 millions de fidèles sur 273 millions d’Indonésiens dont 87% sont musulmans. Les chrétiens représentent au total 10% de la population du pays tenant d’un islam modéré. L’Indonésie compte près de 17.000 îles et plus de 1300 groupes ethniques.
Le lendemain de son arrivée à Jakarta, capitale de l’Indonésie, le souverain pontife s’est rendu au Palais présidentiel Istina Merdeka, où après une visite privée au président Joko Widodo, il s’est adressé aux autorités du pays. Dans son discours, François a salué la « sagesse et l’équilibre » des principes inspirateurs de l’Etat indonésien, reflétés dans la devise nationale “Unis dans la diversité”.
« Parfois, des tensions violentes se développent au sein des Etats, parce que ceux qui détiennent le pouvoir voudraient tout uniformiser, imposant leur vision, même dans des domaines qui devraient être laissés à l’autonomie des individus ou des groupes associés », a-t-il affirmé en appelant les hommes politiques à défendre la « justice sociale ».
Il a souhaité « une distribution plus efficace et plus équitable de l’aide sociale » afin de « vaincre les déséquilibres et les poches de misère qui persistent encore dans certaines régions du pays ». Il a également fait l’éloge du préambule de la Constitution de 1945, qui invoque la bénédiction divine sur la République indonésienne naissante.
Et de décrier les contextes sociaux où l’on « croit pouvoir ou devoir ne pas tenir compte de la recherche de la bénédiction de Dieu, la jugeant superflue pour l’être humain et la société civile ». Enfin, le pape a assuré les autorités civiles de la volonté de l’Eglise catholique de renforcer le dialogue interreligieux et la collaboration avec les institutions publiques, insistant sur le fait qu’elle devait le faire « sans prosélytisme ».
Sortant de son texte, le souverain pontife a fustigé les politiques malthusiennes qui visent à limiter les naissances. Puis il a donné en « exemple pour tous les pays » l’Indonésie où les familles ont « trois, quatre ou cinq enfants », les opposant à ceux qui préfèrent avoir un chien ou un chat.
Dans l’après-midi, à la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption de Jakarta, le Saint-Père a rencontré les évêques, prêtres, diacres, personnes consacrées, séminaristes et catéchistes d’Indonésie. “Foi, fraternité, compassion” – devise de la visite apostolique en Indonésie – ont été au centre de l’intervention du pape.
Les richesses naturelles d’un pays, a-t-il introduit pour illustrer la foi, « est un rappel de Dieu, de sa présence dans le cosmos et dans nos vies, comme nous l’enseigne l’Ecriture Sainte. C’est le Seigneur qui donne tout cela », a-t-il souligné.
François a déclaré – comme à son habitude – que l’annonce de l’Evangile n’est pas « faire du prosélytisme », mais simplement « donner et partager la joie de la rencontre avec le Christ, toujours avec un grand respect et une grande affection fraternelle pour chacun ».
Enfin, la compassion consiste « à nous rendre proches les uns des autres », ce qui « ne veut pas dire être communiste, cela veut dire charité, cela veut dire amour ». En conclusion il les a encouragés à rester « forts dans la foi, ouverts à tous, à tous, à tous. Dans la fraternité et proches de chacun dans la compassion ».
Et d’expliquer : « Lorsque les invités au mariage ne voulaient pas venir et ne sont pas venus, que fit le Seigneur ? Il envoya ses serviteurs : “Allez aux carrefours et amenez tout le monde, tout le monde, tout le monde à l’intérieur”. »
Le 5 septembre, le pape François a participé à une rencontre interreligieuse à la mosquée Istiqlal – la plus grande d’Asie du Sud-Est. Il a été accueilli sous une grande tente par le grand imam Nasaruddin Umar devant l’immense édifice au minaret de plus de 66 mètres de haut, qui peut accueillir 120.000 personnes.
Ils ont tous deux rejoint l’entrée du « tunnel de l’amitié », qui relie par voie souterraine la mosquée et la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption. Celles-ci sont situées à une centaine de mètres l’une de l’autre et forment un symbole du dialogue entre les religions.
Dans un bref discours devant la petite galerie creusée en 2021, François a opposé « le signe de la fraternité » aux « signes de menaces ». Il a béni ce lieu, jusqu’à présent fermé au public. Le souverain pontife n’est pas entré dans la mosquée Istiqlal, mais a participé à la rencontre interreligieuse sur l’esplanade.
En présence de toutes les autorités religieuses du pays, il a d’abord écouté une jeune musulmane aveugle capable de réciter le Coran intégralement, psalmodier une sourate, puis un prêtre qui a lu la parabole du Bon Samaritain.
Prenant ensuite la parole, François a enjoint à « écarter la rigidité, le fondamentalisme et l’extrémisme, qui sont toujours dangereux et jamais justifiables ». Il a souhaité que l’expérience religieuse ne soit « jamais un motif de fermeture et d’affrontement ».
Il a recommandé pour ce faire de « regarder toujours en profondeur », pour trouver « la racine commune » à toutes les sensibilités religieuses au-delà des « aspects visibles » comme les rites et les pratiques. Les religions ont en commun « la quête de la rencontre avec le divin, la soif d’infini », a-t-il martelé. « Ce qui nous rapproche vraiment, c’est de […] veiller à cultiver des liens d’amitié, d’attention », a-t-il déclaré.
Au terme de la rencontre, le pape François et le grand imam Umar – ainsi que des représentants du confucianisme, du protestantisme, des religions traditionnelles, du bouddhisme et de l’hindouisme – ont signé une déclaration conjointe destinée à « promouvoir l’harmonie religieuse pour le bien de l’humanité ».
Sur le modèle du Document pour la fraternité, signé en 2019 à Abou Dhabi avec le grand imam d’Al-Azhar, le cheikh Ahmed Al-Tayeb, les signataires s’engagent à aider la société à « vaincre la culture de la violence et de l’indifférence » et adoptent une position commune sur la défense de l’environnement et contre la « déshumanisation ».
En fin d’après-midi, le pape a célébré une messe dans le stade Gelora Bung Karno en présence de 80.000 fidèles à l’intérieur, et près de 20.000 à l’extérieur devant des écrans pour suivre la célébration en direct.
« N’oublions pas que le premier devoir du disciple – a-t-il lancé dans son homélie – n’est pas de revêtir les vêtements d’une religiosité extérieurement parfaite, de faire des choses extraordinaires ou de s’engager dans des entreprises grandioses. Non ! Le premier devoir consiste à savoir écouter la seule Parole qui sauve, celle de Jésus. »
Et de poursuivre : « Sur la Parole du Seigneur, je vous encourage à semer l’amour, à parcourir avec confiance le chemin du dialogue, à garder votre bonté et votre gentillesse avec le sourire qui vous caractérise. Et soyez des bâtisseurs de paix. Soyez des bâtisseurs d’espérance. »
Deuxième étape, la Papouasie-Nouvelle-Guinée
Arrivé le 6 septembre à Port Moresby, capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Saint-Père a été accueilli par le vice-Premier ministre et a reçu les honneurs militaires, salué par 21 coups de canon. La quasi-totalité de la population de ce royaume du Commonwealth est chrétienne à 98% parmi lesquels 27% sont catholiques. La religion protestante est majoritaire dans ce pays qui reste par ailleurs empreint de traditions animistes.
Le lendemain, 7 septembre, il a effectué une visite privée au gouverneur général, Bob Bofeng Dadae. Puis il s’est rendu à l’Apec Haus, où il a été accueilli par le Premier ministre James Marape, ainsi que des musiciens et danseurs traditionnels. Dans son discours, le pape a exhorté les autorités du pays à « améliorer les infrastructures, répondre aux besoins de la population en matière de santé et d’éducation, et augmenter les possibilités de travail décent ».
Evoquant les ressources terrestres et maritimes du territoire riche en gaz, or et minerais, il s’est fait l’avocat des populations locales, souvent victimes de l’accaparement de leurs terres par des sociétés internationales, avec le soutien du gouvernement. « Ces biens sont destinés par Dieu à la collectivité entière », a-t-il souligné en ajoutant qu’il est « juste que les besoins des populations locales soient dûment pris en compte dans la répartition des revenus et dans l’emploi de la main-d’œuvre ».
Au-delà de « l’abondance des biens matériels », le pape a recommandé de cultiver les « valeurs de l’esprit » pour ne pas céder au « risque de la corruption ». “Prier” est la devise de cette visite apostolique car « un peuple qui prie possède un avenir, en puisant sa force et son espoir d’en haut », a-t-il expliqué.
Il a enjoint « tous ceux qui se déclarent chrétiens » à ne pas réduire la foi à « l’observance de rituels ou de préceptes », mais « à aimer, à aimer Jésus-Christ et à le suivre ». Sortant de son texte, le pape a aussi insisté sur la place de la femme dans la société, et sur l’importance de ne pas oublier son rôle « en première ligne du développement humain et spirituel », alors qu’elles sont souvent victimes de violence et déconsidérées.
L’après-midi, François s’est rendu au sanctuaire salésien de Marie Auxiliatrice. Dans cette église au chœur orné de coquillages, il a retrouvé les évêques de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et des îles Salomon, et 1500 prêtres, diacres, religieux et catéchistes au service de 1,5 million de catholiques.
Dans son discours, le souverain pontife les a appelés à se diriger vers les périphéries citant les « milieux les plus défavorisés des populations urbaines, […] les zones les plus reculées et abandonnées ». Il a mentionné aussi les personnes « marginalisées et blessées, aussi bien moralement que physiquement, par les préjugés et les superstitions, parfois jusqu’au risque de leur vie », évoquant les victimes de sorcellerie et magie noire.
Répondant à un catéchiste de 68 ans, James Etavira, qui s’attristait du manque d’engagement des jeunes dans la mission, « Je ne pense pas qu’il y ait de “techniques” pour cela. Cependant un moyen éprouvé est précisément de cultiver et de partager avec eux notre joie d’être Eglise », a assuré François.
Le 8 septembre, 35.000 fidèles ont assisté à la grand’messe célébrée par le pape au stade Sir John Guise de Port Moresby. « Dieu est proche, Dieu est compatissant, Dieu prend soin de nos vies », a-t-il souligné. « Le Seigneur dit à chacun de vous : “Ouvre-toi !”. C’est la chose la plus importante : s’ouvrir à Dieu, s’ouvrir aux frères, s’ouvrir à l’Evangile et en faire la boussole de notre vie », a lancé le pape.
En début d’après-midi, il a gagné en avion Vanimo, ville de 10.000 habitants au nord de l’île, où il a été accueilli sur l’esplanade de la cathédrale Sainte-Croix par 20.000 fidèles. « Vous vivez sur une terre magnifique, riche d’une grande variété de plantes et d’oiseaux », s’est exclamé le pape.
Et d’ajouter que « cette richesse, le Seigneur vous la confie » afin de vivre unis « avec Lui et avec vos frères », non sans rappeler inévitablement : « en respectant la maison commune et en prenant soin les uns des autres ».
Le souverain pontife a encouragé les catholiques, dans une société très marquée par le tribalisme, à « surmonter les divisions – personnelles, familiales ou tribales ; à chasser la peur, la superstition et la magie du cœur des gens ». Il a aussi appelé à « mettre fin aux comportements destructeurs tels que la violence, l’infidélité, l’exploitation, la consommation d’alcool et de drogues ».
Le 9 septembre, au stade Sir John Guise, lors de sa rencontre avec les jeunes, François a décidé de ne pas suivre son discours pour engager un dialogue avec ces derniers qui lui ont répondu en chœur. Dans cette discussion spontanée, il a enjoint les jeunes de ce pays aux plus de 800 langues à « apprendre le langage de l’amour, et le langage du service ».
Troisième étape, le Timor oriental
Le 9 septembre, le pape est arrivé en début d’après-midi à l’aéroport de Dili, capitale du Timor oriental, petit Etat situé à l’extrémité orientale de l’archipel de la Sonde et indépendant de l’Indonésie depuis 2002. Le président de la République du Timor oriental José Manuel Ramos-Horta, prix Nobel de la paix 1996, l’a accueilli en compagnie du Premier ministre du pays, Xanana Gusmão. La population de 1,3 million d’habitants au Timor oriental est à 90% catholique.
Pour rejoindre la nonciature à Dili, le pontife argentin a défilé en papamobile, fendant une foule impressionnante et joyeuse, avant de gagner le Palais présidentiel en fin d’après-midi. Il y a prononcé un discours devant les autorités locales. Il a salué les « efforts assidus pour parvenir à une pleine réconciliation avec vos frères d’Indonésie, une attitude qui a trouvé sa source dans les enseignements de l’Evangile ».
Il a évoqué les difficultés actuelles de ce petit pays qui traverse une crise économique, avec les défis posés par l’émigration, la pauvreté, et « l’abus d’alcool chez les jeunes et leur constitution en bandes qui, fortes de leur connaissance des arts martiaux, au lieu de la mettre au service des personnes sans défense, l’utilisent pour mettre en avant le pouvoir éphémère et nuisible de la violence », – 65% de la population a moins de 30 ans.
Pour résoudre ces problèmes, le souverain pontife a souligné la solution apportée par la doctrine sociale de l’Eglise : la nécessaire formation de « ceux qui seront appelés à constituer la classe dirigeante du pays dans un avenir proche ».
Et d’ajouter : « La doctrine sociale de l’Eglise n’est pas une idéologie, mais agit pour le développement des peuples, en particulier des plus pauvres. » Enfin, le pape a confié « le Timor oriental et son peuple tout entier à la protection de l’Immaculée Conception ».
Le 10 septembre, François a retrouvé les évêques, prêtres, diacres, personnes consacrées, séminaristes et catéchistes du Timor oriental, réunis à la cathédrale de l’Immaculée Conception de Dili. « Dans le cœur du Christ (…), les périphéries de l’existence sont le centre », a affirmé le pape François dans son discours prononcé en espagnol.
« Vous êtes des disciples missionnaires parfumés d’Esprit Saint pour imprégner la vie de votre peuple », a-t-il déclaré, non sans demander aux prêtres et évêques de ne pas se sentir supérieurs au peuple. Il a cité les fléaux de l’alcoolisme, de la violence et du manque de respect pour la dignité de la femme.
« L’Evangile de Jésus a le pouvoir de transformer ces réalités obscures et de générer une société nouvelle », a expliqué François. Il a invité ses auditeurs à approfondir leur connaissance de la doctrine chrétienne en ne se laissant pas enfermer dans des « formes et des traditions archaïques et parfois superstitieuses », évoquant notamment la question des superstitions et du culte des morts.
Le pape François s’est rendu dans l’après-midi sur l’esplanade de Taci Tolu pour célébrer la messe, en présence de 600.000 fidèles. Dans son homélie en espagnol, le pape François a salué la jeunesse du pays. « Dans toutes les parties du monde, la naissance d’un enfant est un moment lumineux de joie et de fête », a-t-il confié, commentant le prophète Isaïe : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné. »
Faisant l’éloge de la petitesse, le pape a lancé aux catholiques timorais cet encouragement : « N’ayons pas peur de nous faire petits devant Dieu et, les uns devant les autres, de perdre notre vie, de donner de notre temps. » Ne pas avoir peur de redimensionner les projets, non pas pour les diminuer, mais pour les rendre encore plus beaux par le don de nous-mêmes et l’accueil des autres.
« Car la vraie royauté, a-t-il poursuivi, est celle de celui qui donne sa vie par amour : comme Marie, mais aussi comme Jésus, qui sur la croix a tout donné, se faisant petit, sans défense, faible pour laisser place à chacun de nous dans le Royaume du Père. »
Dernière étape, Singapour
Le 11 septembre, François est arrivé à l’aéroport international de la Cité-Etat de Singapour en début d’après-midi. 19% des 5,6 millions d’habitants sont chrétiens, mais la religion majoritaire est le bouddhisme, confession des Singapouriens d’origine malaise ou chinoise.
Le 12 septembre, il fut reçu à la Chambre du Parlement et rencontra le président de la République de Singapour Tharman Shanmugaratnam puis le Premier ministre Lawrence Wong. Après quoi, le souverain pontife s’est rendu à la National University de Singapour pour retrouver les autorités et leur adresser un discours.
En fin d’après-midi, il a célébré la messe dans le stade Singapore SportsHub. Le 13 septembre, le pape François a participé à une rencontre interreligieuse avec des jeunes au Catholic Junior College, et prononcé son dernier discours.
(Sources : cath.ch/i.media/Vatican News/vatican.va/DICI n°448 – FSSPX.Actualités)
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