Le chemin synodal vers une Eglise nationale allemande (11) : 2e document de travail

Source: FSSPX Actualités

Assemblée du Chemin synodal à Francfort en septembre 2020

Le chemin synodal a tenu sa première Assemblée du 30 janvier au 1er février 2020. Il s’agissait de discuter du contenu des quatre thèmes des forums synodaux et de sélectionner les sujets à traiter. Le cardinal Reinhard Marx président de la Conférence épiscopale allemande (DBK) et le Pr Thomas Sternberg, président du Comité central des catholiques allemands (ZdK) se sont montrés satisfaits. 

Les réunions de l’Assemblée synodale utilisent un instrumentum laboris qui rassemble plusieurs documents de travail. Ces textes, qui doivent servir de base à la discussion, ont été élaborés dans des forums. Le précédent article a présenté le premier document, le plus important quant au contenu ecclésiologique. Cet article est consacré au document du deuxième forum qui porte sur la morale sexuelle. 

Remarque préalable 

Le texte produit par ce deuxième forum est particulièrement pénible et révoltant. Mais manifestement, du fait d’un certain clivage chez les participants, deux séries parallèles de propositions ont été votées. L’une représente « la majorité en marche » – dans une proportion qui n’est pas indiquée – et l’autre, une certaine minorité conservatrice, probablement suffisamment étoffée pour avoir pu se faire entendre. 

Le contexte général 

Le document s’ouvre sur des considérations générales expliquant la méthodologie retenue, qui peut se résumer ainsi : les pratiques de la société contemporaine en matière sexuelle sont un lieu théologique ; auquel s’ajoute les sciences humaines qui en constitue un second. Ces deux points sont combattus par la position minoritaire. 

Le texte affirme ainsi : « Les postulats normatifs de la morale sexuelle catholique actuelle contredisent les conclusions des sciences humaines sur les multiples dimensions de la sexualité humaine. Ils contredisent aussi l’expérience de la vie et le sens des croyants. (…) La morale sexuelle actuelle (par exemple sur la contraception artificielle, l’homosexualité, les divorcés remariés) contredit ce que les croyants perçoivent comme un développement significatif de la sexualité ». 

Cela entraîne, même à l’intérieur de l’Eglise, une appréciation de la morale catholique comme « morale de l’interdit ». Les récents scandales ont accru cette perception, les clercs étant regardés comme des pharisiens, ne satisfaisant pas « à (leurs) propres exigences morales élevées ». Ce hiatus doit être comblé par la réédification de la doctrine morale sur de nouvelles bases. 

Enfin, il faut en terminer avec la vision pessimiste « d’Augustin » sur la sexualité qui a encore malheureusement des effets sur les déclarations doctrinales : en particulier l’encyclique Humanae vitae de Paul VI sur la contraception artificielle et le Catéchisme de l’Eglise catholique. Il faut reprendre la ligne du concile Vatican II et sa « compréhension personnelle holistique du mariage ». 

Principe de base de cette réédification 

Le texte pose un principe complètement biaisé : « L’idéal d’une sexualité basée sur l’amour est aujourd’hui profondément enraciné dans l’esprit et le cœur des gens. Les valeurs fondamentales de la morale sexuelle de l’Eglise sont partagées par beaucoup (amour, fidélité, exclusivité, responsabilité parentale). Mais (…) dans une société fondée sur le principe chrétien de la liberté de conscience, les voies de l’homme sont individualisées et pluralisées ». 

La minorité n’a pas de difficulté à souligner « qu’il y a un écart évident entre la compréhension de la fidélité associée au mariage chrétien et la compréhension de la fidélité de nombreuses personnes. La majorité des gens considèrent que la fidélité a une grande valeur, mais seulement tant que les deux partenaires s’aiment : pour beaucoup c’est une fidélité limitée. Cette incohérence évidente dans la compréhension de la fidélité doit être corrigée ». 

Cette réserve n’empêche par la majorité de marteler : « Les normes de la morale sexuelle de l’Eglise doivent être révisées en ce qui concerne le principe des valeurs » et leur communication. L’Eglise s’est d’ailleurs « souvent rendue coupable vis-à-vis des croyants quant à la manière dont elle a transmis sa doctrine sexuelle, donnant souvent la priorité à la coercition plutôt qu’à la libre motivation », c’est pourquoi elle est perçue comme « une agence morale ». Et de souligner avec satisfaction le mea culpa des évêques allemands sur ce point, lors du synode sur la famille à l’automne 2015. 

Principes d’une éthique sexuelle renouvelée 

Sur la base de telles généralités passablement caricaturales, les révolutionnaires prétendent transformer la morale du VIe commandement. 

« La sexualité doit être comprise comme une capacité donnée par Dieu à façonner les relations humaines intimes. (…) Les découvertes scientifiques humaines sur la sexualité humaine (psychologie, sociologie, anthropologie) aident à élargir la base anthropologique de l’éthique sexuelle catholique ». En particulier, elles permettent de passer « d’une forte structure d’interdiction, qui voit l’activité sexuelle exclusivement dans le mariage, fortement orientée vers la reproduction » à « une mise en valeur des multiples fonctions de la sexualité humaine qui déterminent son sens ». 

Et encore : « Les résultats des sciences humaines prouvent que le concept de ce qui est naturel est trop étroitement défini ; une sexualité humaine réduite exclusivement à la reproduction tire ses conclusions normatives sur une base anthropologique bien trop étroite ». En effet, « la sexualité sert non seulement à se reproduire, mais aussi à acquérir du plaisir, à cultiver des relations, à trouver et assurer son identité. (…) Le mariage n’est pas le seul endroit légitime pour la sexualité. » 

Autrement dit, le mouvement amorcé par le concile Vatican II sur les fins du mariage, et poursuivi par le nouveau code de droit canonique (1983) est arrivé à son terme : la fin secondaire du mariage – le soutien mutuel entre les époux – a définitivement pris le pas sur la fin primaire – la procréation et l’éducation des enfants. Le renversement est complet, comme le confirme la suite du texte. 

Celui-ci expose « le point de vue actuel de la théologie morale » qui consiste en deux éléments : la sexualité humaine responsable « exige l’intégration de toutes les valeurs » ; mais cela n’est exigé que « pour le partenariat dans son intégralité et non pour chaque action individuelle ». C’est pourquoi « les actes sexuels restent moralement valables, même s’ils ne tiennent pas compte de tous les facteurs en même temps ». 

La minorité rappelle à propos qu’un « défaut » quelconque ôte le bien : celui -ci doit être intègre pour prétendre à la bonté. Il faut, pour reprendre le vocabulaire du texte, tous les « facteurs en même temps », autrement nous sommes en présence du mal. Il suffit d’un défaut pour gâter une œuvre. 

Assemblée du chemin synodal à Francfort en septembre 2020

Conséquences sur la moralité des actes sexuels 

Tout peut être justifié avec de tels principes. « Tous les actes sexuels ne doivent pas rester ouverts à la procréation. (…) La planification familiale, y compris les moyens artificiels de conception, ne constitue pas un acte hostile à la vie, mais soutient le droit du couple à porter conjointement un jugement responsable sur le nombre des enfants, les intervalles entre naissances et les moyens particuliers de la planification familiale. » C’est l’intégration complète du malthusianisme. 

Vient la justification de ce qui est contre-nature : « L’expérience agréable de son propre corps (onanisme) peut aussi signifier une gestion responsable de sa propre sexualité. Les actions homosexuelles réalisent aussi des valeurs positives, dans la mesure où elles sont une expression d’amitié, de fiabilité, de fidélité et de soutien dans la vie ». Comment mesurer l’infamie de telles affirmations, qui font l’éloge de péchés graves particulièrement ignominieux ? 

Conséquences pour le mariage 

Le mariage n’est que « le meilleur cadre » par rapport à d’autres situations pour un développement optimal de la sexualité humaine et du développement personnel. Mais « en raison des nombreux aléas de la vie, il n’est pas possible pour tout le monde d’entrer dans cette forme supérieure de relation de partenariat », et « rester abstinent dans de telles situations de vie, qui ne sont souvent pas librement choisies, est une contrainte excessive pour de nombreuses personnes qui en sont affectées ». C’est la négation pure et simple de la vertu de chasteté et de l’aide qu’apporte la grâce de Dieu. 

D’où la proposition : « la relation des personnes non mariées, à condition que leur lien soit permanent et exclusif, est une forme moderne de mariage clandestin (sic) ; dans cette optique, la vie sexuelle commune de ces couples doit être appréciée positivement, à condition qu’ils ne causent de préjudice à personne, se respectent mutuellement et se traitent mutuellement comme partenaires ». C’est la destruction pure et simple du mariage, qui n’est plus un vrai contrat. 

Evaluation de l’homosexualité 

Il ne reste plus qu’à trouver un moyen de justifier le pire, à savoir l’union entre personnes de même sexe : « les relations dans lesquelles sont vécues des valeurs telles que l’amour, l’amitié, la fiabilité, la fidélité, la réciprocité dans l’existence des uns et des autres, méritent sur le plan moral reconnaissance et respect, même indépendamment de leur orientation sexuelle ». Avec de tels principes, la mafia mérite la reconnaissance et le respect… car il s’y trouve amitié, fidélité, réciprocité, etc. 

« Cette approche s’applique aussi bien aux conjoints de même sexe qu’aux divorcés remariés », précise le texte. C’est pourquoi « il est nécessaire de reconnaître sans condition les partenariats homosexuels et de renoncer à disqualifier moralement la pratique sexuelle qui en découle. (…) L’appréciation liturgique de ces valeurs doit aussi être considérée ». Voilà où mènent de pareils principes… Justifier le péché des sodomites en allant jusqu’à leur proposer la bénédiction de Dieu. 

Le travail n’ayant pas pu s’achever dans le forum, les évêques allemands ont produit un texte dans lequel ils admettent le caractère naturel de l’homosexualité.

Dernières conséquences 

Les actions intrinsèquement mauvaises s’en trouvent mitigées. La théologie désigne par ces termes les actes moraux qui ne sont jamais et en aucune circonstance justifiables. Pour nos iconoclastes, cette catégorie n’est pas abandonnée : « il y aura toujours des actions qui ne peuvent en aucun cas être approuvées. Ces actes concernent la vie et l’intégrité physique (tels que le meurtre, la torture ou les mauvais traitements). En ce qui concerne les actes homosexuels, ce discours doit être dépassé ». Comme s’il était loisible aux moralistes de changer la nature des choses, de « déclassifier » les vices en vertus, d’appeler le bien mal et mal le bien (cf. Isaïe 5, 20). 

Une autre conséquence est le rejet de « l’ancienne doctrine des biens matrimoniaux, qui voyait dans la fidélité un remède à la concupiscence ». Car « la sexualité sert à satisfaire un besoin humain fondamental, à savoir construire un espace protecteur d’intimité et de fiabilité ; elle transmet des expériences existentielles de base telles que la sécurité, la confiance en soi et la capacité à prendre des responsabilités et à se consacrer aux autres ». 

C’est pourquoi « les gens devraient non seulement avoir le droit de dire non aux actes sexuels qu’ils ne veulent pas, mais aussi le droit de dire oui aux actes sexuels qu’ils veulent et d’être autorisés à choisir qui ils aiment », et ce quelle que soit l’orientation sexuelle, ou le partenaire. 

Que reste-t-il de la morale catholique ? 

Rien. Il ne reste rien de la morale catholique dans ces textes. Le mal y est nommé bien, et le bien ravalé au mal. Que les évêques allemands en aient autorisé la publication, qu’ils aient décidé de les discuter dans une assemblée qui se veut un synode est déjà un péché en soi. Qu’ils puissent envisager que ces points soient adoptés et qu’ils continuent à marcher sur ce chemin de ténèbres est simplement diabolique. 

Et que les autorités romaines, en particulier le pape, qui ont ces textes en main depuis plusieurs mois n’aient rien dit, ni condamné, ni fait stopper ce processus insensé, relève ni plus ni moins de l’inconscience ou de la complicité.