Le Vatican réforme son système judiciaire

Source: FSSPX Actualités

Le Tribunal du Saint-Siège

Par un nouveau motu proprio rendu public le 19 avril 2024, le Souverain Pontife a modifié plusieurs lois réglementant le système judiciaire du Saint-Siège, l’harmonisant avec le système italien voisin. Une façon de tirer les leçons des nombreuses interrogations nées dans la foulée du « procès du siècle », dont l’onde de choc n’a pas fini de faire vibrer les murs de l’enceinte léonine.

Soixante-neuf. C’est – depuis le dernier, signé le 27 mars 2024, et rendu public par la Salle de presse du Saint-Siège le 19 avril suivant – le nombre de lettres apostoliques en forme de motu proprio promulguées sous l’actuel pontificat. Une façon de dire à ceux qui préparent en coulisse l’après-François que le pontife argentin tient plus fermement que jamais la barre de la barque de Pierre…

Un motu proprio qui modifie au long de six articles les normes judiciaires de l’Etat pontifical : maintien d’activité des magistrats ordinaires jusqu’à l’âge de 75 ans, à 80 ans pour les cardinaux-juges, étant sauve la possibilité laissée au souverain pontife de prolonger le mandat d’un magistrat au cas par cas ; modalités de rémunération, d’indemnité de départ et de retraites précisées.

D’autres mesures ont davantage fait réagir les juristes transalpins, comme celle concernent la responsabilité civile des magistrats ainsi que la faculté donnée au pape d’intervenir dans le cours d’un procès en nommant un président-adjoint ou mettant fin au service d’un magistrat qui « en raison d’une incapacité constatée », ne serait plus en mesure d’exercer ses fonctions.

Désormais, les personnes jugées qui estiment avoir subi un préjudice pourront entamer des poursuites judiciaires à l’encontre de l’Etat de la Cité du Vatican, qui pourra à son tour se retourner contre le magistrat s’il était avéré qu’il avait causé un dommage.

Une façon d’aligner le système du micro-Etat sur ce qui se passe en Italie, où la responsabilité du magistrat est indirecte, en sorte qu’un citoyen ne peut traîner devant un tribunal un juge qui l’aurait lésé dans le cadre d’un procès. Une mesure censée garantir la liberté, l’indépendance et la protection des magistrats contre d’éventuelles pressions extérieures.

Pour motiver cette évolution, François évoque « des années d’expérience qui ont fait sentir la nécessité d’une série de changements ». Difficile de ne pas y voir une réplique du séisme causé par le procès du siècle provisoirement achevé en décembre 2023. Provisoirement, car hormis la secrétairerie d’Etat et l’Administration du patrimoine du Siège apostolique (Apsa) tous les autres acteurs, accusés et parties civiles, ont fait appel de la décision des juges.

Et si dans l’avenir, en fonction des conclusions du futur procès en appel, certains condamnés en première instance étaient tentés d’engager des poursuites à l’encontre d’un magistrat – notamment du promoteur de justice, Alessandro Diddi, dont les méthodes ont parfois été contestées par la défense – le motu proprio change la donne et tombe à point nommé pour protéger les juges.

Plusieurs juristes italiens soulignent que l’hôte de Sainte-Marthe a réécrit à quatre reprises les règles durant la phase d’enquête : une manière de combler un vide normatif pour certains, une façon pour le pontife romain de garder la main sur la tenue d’un procès selon d’autres voix plus critiques.

Sans parler du fait que le Tribunal du Vatican – qui a été le théâtre de plusieurs réformes ces dernières années – reste principalement composé d’avocat et de procureurs qui ont exercé ou exercent encore une charge en Italie et qui, par conséquent, n’ont pas toujours une connaissance parfaite des us et coutumes du Saint-Siège, non plus que du droit de l’Eglise.

Dans une contribution écrite postérieure au verdict, l’un des avocats des accusés au procès du siècle, Me Cataldo Intrieri, a dénoncé les « contradictions » du système juridique du Vatican et les « pouvoirs exorbitants » accordés aux procureurs qui, selon lui, ont conduit à une procédure judiciaire « très éloignée des critères adoptés dans un Etat de droit ».

Une critique que tente peut-être de désamorcer le nouveau motu proprio, même s’il n’est pas réaliste d’exiger de la papauté, qui demeure d’essence monarchique, une séparation absolue des pouvoirs : l’esprit des lois du Saint-Siège n’est pas forcément celui de Montesquieu. De même que la lumière de la foi ne saurait se confondre avec la foi dans les Lumières.