Un évêque et un cardinal jugent sévèrement “Fiducia supplicans” (1)

Source: FSSPX Actualités

Mgr Robertus Mutsaerts

Si le cardinal Victor Manuel Fernández pensait que l’opposition à Fiducia supplicans allait petit à petit s’estomper, il doit être déçu. Les opposants ne se calment pas et continuent de réagir.

Mgr Mutsaerts persiste

Sur InfoVaticana du 27 février, Mgr Robertus Mutsaerts, le courageux évêque auxiliaire de Bois-le-Duc aux Pays-Bas, celui qui parlait du synode sur la synodalité comme d’un « synode des ténèbres », déclare : « Les temps présents sont extrêmement confus. L’une des principales tâches du pape est de créer de la clarté là où il y a de la confusion.

« Or le pape François est sélectif dans ses réponses aux questions (certains dubia ne reçoivent jamais de réponse, d’autres en reçoivent rapidement) et, en outre, ses réponses sont souvent sujettes à de multiples interprétations, ce qui ne fait qu’accroître la confusion et la division. Prenons Amoris lætitia : est-il permis à une personne qui n’est pas en état de grâce de recevoir la sainte communion ?

« La réponse sans équivoque de l’Eglise a toujours été un “non” retentissant. Amoris lætitia contient de nombreuses déclarations dont l’imprécision ou l’ambiguïté permet des interprétations contraires à la foi ou à la morale, ou qui suggèrent une déclaration contraire à la foi et à la morale sans l’énoncer explicitement. »

Puis le prélat néerlandais en vient à Fiducia supplicans : « Un prêtre peut-il bénir les pécheurs ? De toute évidence, oui. Peut-il bénir le péché ? De toute évidence, non. C’est sur ce point que Fiducia supplicans passe à côté de l’essentiel. Ce document affirme que les unions homosexuelles peuvent être bénies. Il s’agit d’une doctrine contraire aux enseignements de l’Eglise catholique.

« Fiducia supplicans a suscité une grande controverse. Le fait que le cardinal Fernández fasse une distinction artificielle entre “couple” et “union” en réponse aux critiques n’a pas aidé. Un prêtre peut bénir le “couple” mais pas l’“union”, ce qui n’a aucun sens. Après tout, il s’agit d’un couple parce qu’il y a union. »

Et d’avertir, en visant François : « Je n’exclus pas que le pape François fasse d’autres pas dans la direction qu’il a prise. Mais nous savons que là où il n’y a pas de continuité, il y a une rupture avec la tradition. Nous n’avons jamais vu cela en 2000 ans. Le fait qu’il y ait une rupture avec la tradition peut être évident, au vu de la résistance. En 2000 ans, nous n’avons jamais vu autant de personnes – dont un continent entier – s’opposer à une déclaration romaine. »

Mgr Mutsaerts dénonce un « deux poids deux mesures » flagrant à Rome : « “Tout le monde, tout le monde, tout le monde”, dit le pape François : tout le monde est le bienvenu. Tout le monde ? Il semble qu’une exception soit faite pour les traditionalistes. Le ton de Traditionis custodes est dur, et combien de fois sont-ils qualifiés de “rigides”, ou avec des termes plus extravagants ? Demandez la messe traditionnelle et vous serez effacé.

« Un homme à la voix douce comme Mgr Strickland [évêque de Tyler au Texas, destitué par François, le 11 novembre 2023] en est un exemple parmi tant d’autres. Les évêques allemands et belges qui plaident sans cesse en faveur de changements dans la doctrine et la morale de l’Eglise sont traités avec gentillesse. C’est la marque du pontificat actuel. »

Elargissant son propos, le prélat dénonce la déchristianisation de l’Europe. A la question « la déchristianisation et la sécularisation progressent dans toute l’Europe. Quelle est, selon vous, la solution pour que l’Europe redevienne un continent catholique ? », le prélat répond : « Dans L’homme éternel, Chesterton décrit les “cinq morts de la foi”, les cinq moments de l’histoire où le christianisme était voué à disparaître.

« Chesterton mentionne : (1) l’Empire romain, (2) l’époque où les armées islamiques ont conquis le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, (3) le Moyen Age avec la disparition de la féodalité et l’émergence de la Renaissance, (4) l’époque où les anciens régimes d’Europe ont disparu et l’époque convulsive des révolutions, et enfin (5) le XIXe siècle, le siècle de Marx, de Darwin, de Nietzsche et de Freud.

« Chaque crise a été suivie d’un temps de renouveau, d’un temps de renaissance. A chaque fois, la foi a semblé aller vers les requins, mais à chaque fois, ce sont les requins qui n’ont pas survécu. A chaque fois, le renouveau était totalement inattendu. Aujourd’hui encore, l’Eglise semble toucher à sa fin, mais il pourrait en être autrement.

« L’orthodoxie a généralement été la réponse qui a annoncé la reprise. Bien sûr, il y a toujours des voix qui appellent à l’adaptation à l’époque. L’Eglise devrait certainement le faire, à condition que cela n’implique pas une adaptation de la foi. En tout cas, la solution n’est pas d’abaisser la barre, de simplifier la foi. Plaire au monde séculier aboutit toujours à l’évaporation de la foi. L’Eglise a toujours survécu là où son identité demeurait, par la réforme, la purification et la revitalisation. »

Vers la fin, Mgr Mutsaerts dénonce légitimement l’alignement des hommes d’Eglise sur la politique et l’esprit du monde contemporain, et se félicite à juste titre d’une indépendance de l’Eglise par rapport au pouvoir politique, mais il semble méconnaître l’importance d’institutions chrétiennes pour le salut des hommes : « L’Eglise ne doit plus servir les intérêts du gouvernement ou de la majorité. Elle n’a donc plus à parler au nom de qui que ce soit.

« Elle peut plaider, à sa manière contraire, pour les impuissants, les marginaux, les handicapés, les enfants à naître, tous ceux qui n’ont pas de voix. L’Eglise peut s’ouvrir à nouveau à la parole de Jésus : “Vous ne devez pas gouverner, mais servir”. L’Eglise ne doit pas jouer le rôle de roi, mais plutôt celui de bouffon [critique. NDLR].

« Nous pardonnons l’impardonnable, nous tendons la joue aux assoiffés de pouvoir, nous restons sur nos positions parce que nous y croyons, quel qu’en soit le prix. L’Eglise pourra alors dire clairement à nouveau ce pour quoi elle est en fin de compte : le salut des âmes. Rien d’autre. Elle se rapprochera de l’Evangile. Et c’est une victoire. Il y a alors des possibilités de croissance. »

Pour œuvrer au salut des âmes l’Eglise doit certes être indemne des influences politiques mondaines, a fortiori mondialistes, mais elle ne peut se soustraire au devoir de chercher à promouvoir des institutions chrétiennes, car les hommes sont des êtres sociaux et non des individus. « Que votre règne arrive », demandons-nous dans le Notre Père, c’est-à-dire dans les cœurs et dans les institutions qui régissent les hommes. Le règne de Notre Seigneur est spirituel et social.