Chine : Surveillance politique accrue des prêtres et des religieux
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Les 22 et 23 avril 2016, le sommet sur la politique religieuse du Parti et du gouvernement, annoncé depuis décembre 2015 mais sans date fixée, s’est tenu à huis clos à Pékin. (cf. DICI n°328 du 15/01/16) Aux côtés du président chinois Xi Jinping, étaient réunis le Premier ministre Li Keqiang et les membres du Comité permanent du Bureau politique du Parti qui prirent la parole devant les membres du Comité permanent du Parti et les responsables du Front uni, organe du Parti communiste en charge des relations avec la société civile, dont la religion.
Le président chinois a de nouveau insisté sur la sinisation des religions qui devait être poursuivie afin que le pays soit préservé de toute « infiltration venue de l’étranger », reprenant les directives contenues dans son discours de mai 2015. (cf. DICI n°332 du 11/03/16) Xi Jinping a rappelé « l’importance particulière » que le Parti et le gouvernement accordaient aux affaires religieuses. « Nous devons guider et éduquer les cercles religieux et leurs adeptes aux valeurs socialistes fondamentales, et guider les personnes religieuses vers les idées d’unité, de progrès, de paix et de tolérance », a déclaré le président chinois, rapporte l’agence Chine Nouvelle. Les groupes religieux doivent « puiser profondément dans leurs corpus de doctrine pour agir en faveur de l’harmonie sociale et du progrès, se montrer disposés à édifier une société saine et civilisée, et interpréter leurs doctrines religieuses d’une manière qui soit propice au progrès de la Chine moderne, et cohérente avec l’excellence de notre culture traditionnelle », a poursuivi Xi Jinping. « Nous devons résolument nous garder contre toute infiltration étrangère menée au nom de la religion, et nous prémunir contre toute incursion idéologique par des extrémistes. »
Le 25 février dernier, avait eu lieu une réunion entre l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses et le Front uni, présidée par Mgr Ma Yinglin, vice-président de l’Association patriotique des catholiques chinois (APCC) – inféodée au pouvoir communiste, ndlr –, rapporte Eglises d’Asie (EDA) du 16 mars 2016. Une politique d’enregistrement obligatoire de tout responsable religieux a été adoptée au cours de la réunion. Les religieux chinois recevront une “carte d’identité” spéciale délivrée par les autorités qui disposeront ainsi d’un dossier plus détaillé sur les membres du clergé. Ressemblant à un passeport, le certificat comprend le nom religieux, le nom laïque, le numéro de carte d’identité nationale et un numéro unique attribué à chaque membre du clergé ou des ordres religieux, précise l’agence Asianews. Un code sur le certificat aide à prouver que le document est authentique. Tous les groupes religieux du pays devront demander un certificat de Code Organisation nationale, et ouvrir un compte bancaire dans un établissement contrôlé par l’Etat, preuve de leur authenticité. Dans le même temps, cela donnera aux autorités les moyens de contrôler l’argent reçu par les groupes religieux et d’identifier les fonds étrangers qui pourraient soutenir une résistance. L’Administration d’Etat pour les affaires religieuses sera compétente pour la délivrance des certificats de personnel religieux, ce qui permettra de vérifier les différentes associations patriotiques religieuses.
D’après les déclarations officielles – qui utilisent la langue de la propagande sans vergogne –, ces modifications visent à mieux « servir et gérer » les organisations religieuses, à éradiquer la fraude des religieux et à protéger les droits des croyants. Toutefois, le clergé et les membres d’ordres religieux sans certificat seront jugés irrecevables et ne pourront se livrer à des activités religieuses, selon les dires de l’Administration d’Etat pour les affaires religieuses. « Si les autorités sont sérieuses au sujet de ces certificats, cela pourrait pousser les prêtres qui refusent ces cartes d’identité à prendre le chemin de la clandestinité », affirme le Père John, prêtre chinois cité par l’agence de presse catholique Ucanews.
« Il est vrai que la période durant laquelle Deng Xiaoping était au pouvoir, entre 1978 et 1989, a été favorable à un certain essor des religions. Il était temps de libéraliser la société chinoise après les soubresauts et la répression catastrophique de la Révolution culturelle (1966-1976). Mais l’ère de Deng Xiaoping s’est terminée par les massacres de Tiananmen (1989) et, depuis, un certain nombre de verrous ont été remis en place. Xi Jinping, l’actuel président, passe pour être plus proche de la politique religieuse intransigeante de Mao Zedong que de celle, plus accommodante, de Deng », précisait un observateur de l’Eglise de Chine à EDA le 21 octobre 2014.
Lors du 51e Congrès eucharistique international (CEI) tenu à Cebu (Philippines) du 24 au 31 janvier 2016, le cardinal Joseph Zen Ze-Kiun, évêque émérite de Hong Kong, s’est adressé à un public de 15.000 personnes. S’appuyant sur le thème du Congrès, « Le mystère : Christ en vous, espérance de la gloire » (Col 1, 24-29), le cardinal a exposé « comment nos martyrs en Chine dans l’histoire récente sont de glorieux témoins de Jésus ». « Quand vous priez pour les chrétiens persécutés au Moyen-Orient et en Afrique, n’oubliez pas les chrétiens en Chine ! », a-t-il lancé. Actuellement, les autorités chinoises « préfèrent créer des renégats plutôt que des martyrs » en divisant les chrétiens en Chine, a-t-il expliqué. « A côté des menaces et des sanctions, ils utilisent l’argent et la pollution sociale. Ils ont l’argent, et l’argent était la raison pour laquelle Judas a trahi Jésus. »
(Sources : eda/apic/ucanews/asianews/cebudailynews – DICI n°335 du 06/05/16)