Visite pastorale aux Emirats arabes unis, 3-5 février 2019

Source: FSSPX Actualités

Arrivée du pape François dans le stade Zayed Sports City, à Abou Dabi.

Le pape François a choisi de se rendre aux Emirats arabes unis (EAU), Etat fédéral composé de sept émirats et situé le long du golfe arabo-persique. Ce pays, entouré par l’Arabie Saoudite à l’est et au sud, le Qatar au nord et l’Oman à l’ouest, a une superficie de 83.600 km². La population, en hausse depuis 2010, est composée de 9,8% de catholiques, soit 901.000 fidèles sur un total de 9.229.000 habitants, après les musulmans (76,7%) et devant les hindous (6,5%).

Ces catholiques, pour la plupart travailleurs immigrés, viennent en grande partie d’autres pays d’Asie, principalement des Philippines et de l’Inde. L’Eglise catholique de ce petit Etat fédéral compte un évêque, Mgr Paul Hinder, 11 prêtres diocésains répartis dans 8 paroisses, 57 prêtres religieux. Les pasteurs ont la charge de 20 écoles maternelles et primaires avec un total de 16.727 élèves, et de 7 établissements pour le secondaire qui forment 4.156 élèves. Par ailleurs, l’Eglise détient deux centres de chirurgie et six centres caritatifs et sociaux dirigés par des clercs ou des religieux. Si les catholiques peuvent vivre librement leur foi en privé, afficher une croix ou célébrer une messe en public reste interdit, tout comme les processions.

Avec pour thème « Fais de moi un instrument de ta paix », tiré des paroles de la prière de saint François d’Assise, ce voyage aux Emirats arabes unis se voulait dans la ligne de la rencontre, en 1219, du Poverello avec le sultan d’Egypte Malik al-Kamil, il y a 800 ans. 

Dans un message vidéo du 31 janvier, le pape François souhaitait que sa prochaine visite à Abou Dabi marque un nouveau pas sur le chemin du dialogue interreligieux. « Les Emirats sont une terre qui cherche à être un modèle de coexistence, de fraternité humaine et de rencontre entre les diverses civilisations et cultures, où beaucoup trouvent un poste sûr pour travailler et vivre librement, dans le respect des diversités », expliquait le Saint-Père dans ce message. A l’invitation du prince héritier d’Abou Dabi, le cheikh Mohammed Zayed al Nahyan, il acceptait de participer à une rencontre interreligieuse internationale sur la « Fraternité humaine », précisait le site du Vatican. 
Les autorités émiraties comptaient sur la présence simultanée à Abou Dabi du pape et du grand imam d’Al-Azhar au Caire (Egypte) pour relancer l’image du pays comme lieu symbolique de la tolérance humaine. Les EAU ont proclamé 2019 « Année de la tolérance ». 

Le 4 février, le pape François est arrivé au Palais présidentiel dans une petite voiture KIA. Encerclée par des cavaliers munis de bannières du Vatican et des Emirats arabes unis, la voiture du pontife s’est engagée dans la cour d’honneur tandis que des avions de chasse dessinaient dans le ciel une traînée de fumée aux couleurs du Vatican. Le souverain pontife a salué Mohammed Zayed al Nahyan, prince héritier d’Abou Dabi, avant d’assister aux honneurs militaires qui lui furent rendus. Pendant la rencontre le prince héritier a offert au pape l’acte notarial attestant de la donation, le 22 juin 1963, du terrain pour la construction de la première église des Emirats arabes unis. Avant de quitter les lieux, le successeur de Pierre a écrit un message dans le livre d’honneur. « Avec ma gratitude pour votre accueil chaleureux et votre hospitalité, et avec l’assurance de mon souvenir dans la prière, j’invoque la bénédiction de paix, de fraternité et solidarité sur vous et tout le peuple des Emirats arabes unis ».

La rencontre interreligieuse sur la « fraternité humaine »

La manifestation, organisée au Founder’s Memorial par le Conseil des sages musulmans, rassembla plus de 600 représentants de différentes communautés religieuses en présence du cheikh Ahmed el-Tayeb, grand imam de l’Université égyptienne d’Al-Azhar, de l’islam sunnite. Le directeur général du Conseil national des moyens de communications des EAU, Mansour al Mansouri, a indiqué que le pape et le grand imam d’Al-Azhar, en participant ensemble à la rencontre, lanceraient un message humanitaire mondial visant à consolider les valeurs de tolérance et de fraternité, de coexistence et de refus de l’extrémisme.

Dans un long discours interreligieux, s’inscrivant dans la continuité de son intervention à Al-Azhar en 2017, le pape François a exhorté au refus de toute violence religieuse. « Avec un esprit reconnaissant au Seigneur, en ce huitième centenaire de la rencontre entre saint François d’Assise et le sultan Malik al-Kamil, j’ai accueilli l’occasion de venir ici comme croyant assoiffé de paix, comme frère qui cherche la paix avec les frères. Vouloir la paix, promouvoir la paix, être instruments de paix : nous sommes ici pour cela. (…) Le point de départ est de reconnaître que Dieu est à l’origine de l’unique famille humaine. Lui, qui est le Créateur de tout et de tous, veut que nous vivions en frères et sœurs, habitant la maison commune de la création qu’il nous a donnée. Se fonde ici, aux racines de notre humanité commune, la fraternité, comme “vocation contenue dans le dessein créateur de Dieu”. Elle nous dit que nous avons tous une égale dignité et que personne ne peut être patron ou esclave des autres ».

Puis François et le grand imam de l’université d’Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb, ont signé un document « pour la paix mondiale et la coexistence commune ». Ce document « courageux et prophétique », selon Alessandro Gisotti, directeur ad interim du Bureau de presse du Saint-Siège, représente un « appel pressant à répondre au mal par le bien, à renforcer le dialogue interreligieux et à promouvoir le respect réciproque pour barrer la route à ceux qui soufflent sur les braises du choc des civilisations ». Ce texte, insista-t-il, « constitue une étape de la plus grande importance dans le dialogue entre chrétiens et musulmans, un signe puissant de paix et d’espérance pour l’avenir de l’humanité ». Le pape François et le grand imam el-Tayeb ont indiqué ensemble un « chemin de paix et de réconciliation » que peuvent suivre tous les hommes de bonne volonté, et pas seulement les chrétiens et les musulmans.

Dans ce document, ils condamnent toutes les pratiques qui « menacent la vie » : les actes terroristes, mais aussi l’avortement, l’euthanasie et « les politiques qui soutiennent tout cela ». Ils réaffirment par ailleurs la nécessité de protéger tous les lieux de cultes, mais aussi de « renoncer à l’usage discriminatoire » du terme “minorités”. Celui-ci « prépare le terrain » aux hostilités et « prive certains citoyens des conquêtes et des droits religieux et civils, en les discriminant ». Le document sera remis aux autorités, aux dirigeants influents, aux organisations de la société civile. L’Eglise catholique et Al-Azhar, promettent de faire en sorte qu’il devienne « objet de recherche et de réflexion » dans toutes les écoles, afin de créer de nouvelles générations animées du bien et de la paix. – Sur cette déclaration interreligieuse commune, lire l’article « Un cardinal et un évêque répondent au Document d’Abou Dabi sur la diversité religieuse »). 

Une messe inédite

C’est la première fois qu’un pape célèbre une messe dans la péninsule, a déclaré le 1er février Alessandro Gisotti. En encourageant le dialogue interreligieux, le pape François « donne de la force » aux communautés chrétiennes des Emirats arabes unis, a-t-il poursuivi. La messe et la rencontre interreligieuse sont parfaitement complémentaires, a-t-il estimé. 

Le 5 février, 180.000 fidèles ont assisté à la messe dans le stade Zayed Sports City, parmi lesquelles environ 4.000 musulmans, a précisé le site du Vatican, comptabilisant à la fois ceux qui étaient rassemblés à l’intérieur du stade, et ceux qui étaient massés à l’extérieur et qui n’ont pas pu entrer, faute de place, mais pour lesquels des écrans géants avaient été installés. Ce jour avait été déclaré férié afin de permettre aux employés travaillant dans le secteur privé d’assister à la messe.

Dans son homélie, le pape François, s’est appuyé sur les Béatitudes dans l’Evangile de saint Matthieu qu’il a interprétées dans le contexte particulier des Emirats arabes unis. « Si tu es avec Jésus, si, comme les disciples d’alors, tu aimes écouter sa parole, si tu cherches à la vivre chaque jour, tu es heureux. Voilà la première réalité de la vie chrétienne. Elle ne se présente pas comme une liste de prescriptions extérieures à accomplir ou comme un ensemble complexe de doctrines à connaître. Ce n’est surtout pas cela ; c’est se savoir, en Jésus, enfants aimés du Père ». 

Le Saint-Père a ajouté que « suivre la voie de Jésus ne signifie pas toutefois être toujours dans l’allégresse ». C’est vrai où que ce soit, pour celui « qui est affligé, qui subit des injustices, qui se dépense pour être un artisan de paix ». « Ce n’est certes pas facile de vivre loin de la maison et de sentir, en plus de l’absence de l’affection des personnes les plus chères, l’incertitude de l’avenir ». Mais le Seigneur est fidèle et il n’abandonne pas les siens. C’est pourquoi, dans ces moments, même s’Il n’intervient pas tout de suite, Il marche à nos côtés.

Et de conclure « Que Jésus, qui vous appelle heureux, vous donne la grâce d’aller toujours de l’avant sans vous décourager, en grandissant dans l’amour “entre vous et envers tous” ». 

Dans l’avion qui le ramenait vers Rome, François a répondu pendant un peu moins de quarante minutes aux questions des journalistes. A propos du Document signé le 4 février : « Aussi bien le grand imam avec son équipe, aussi bien moi, nous avons tant prié pour réussir à faire ce document. (…) Ce document est né de la foi en Dieu, qui est père de tous, et père de la paix et condamne toute destruction, tout terrorisme. (…) Un document qui s’est développé de manière passionnante : allers, retours, prières. Il a été laissé mûrir un peu de manière confidentielle. (…) C’est un pas en avant qui vient d’il y a 50 ans, du Concile qui doit se développer. Les historiens disent que pour qu’un concile s’enracine dans l’Eglise, il faut cent ans. On est à mi-chemin. Je voulais attirer l’attention là-dessus » (sic). 
Le 6 février, lors de l’audience générale tenue dans la salle Paul VI au Vatican, François est revenu sur son « voyage court mais important » dans cette « oasis multiethnique et multireligieuse » a permis d’écrire « une nouvelle page dans l’histoire du dialogue entre le christianisme et l’islam et dans l’engagement de promouvoir la paix dans le monde sur la base de la fraternité humaine ».

« Malgré la diversité des cultures et des traditions, a ajouté le pontife argentin, le monde chrétien et islamique partagent en effet certaines valeurs communes comme la vie, la famille, le sens religieux, le respect des personnes âgées ou encore l’éducation des jeunes. Ainsi à Abou Dhabi, un pas de plus a été franchi dans le dialogue interreligieux : celui de l’affirmation commune de la fraternité humaine et de la condamnation de toutes les formes de violence, en particulier celles qui ont une motivation religieuse. » – C’est cette « fraternité humaine », trop humaine, que dénoncent à bon droit le cardinal Müller et Mgr Schneider dans des déclarations qu’on peut lire dans l’article « Un cardinal et un évêque répondent au Document d’Abou Dabi sur la diversité religieuse »).