Blitz pontifical sur l’Ordre de Malte
Fra’ John Dunlap prête serment en présence du cardinal Tomasi
En nommant de façon unilatérale et soudaine un nouveau Lieutenant de Grand Maître, le pape François manifeste sa volonté de faire aboutir au plus vite la réforme de l’Ordre de Malte, contre laquelle s’élèvent une partie des chevaliers.
La décision papale de nommer, sans passer par les chevaliers, un nouveau Lieutenant de Grand Maître le 13 juin 2022, la veille des funérailles de Fra’ Marco Luzzago qui occupait ce poste jusqu’à son décès prématuré, le 7 juin dernier, a des allures de guerre éclair.
Un procédé que le pontife argentin assume pleinement en raison des circonstances selon le courrier signé de sa main : « De nouvelles circonstances semblent presque vouloir empêcher l’Ordre de Saint-Jean-Baptiste de faire le chemin nécessaire du renouveau dans la fidélité au charisme originel. La mort prématurée du frère Marco Luzzago, en plus de déterminer l’arrêt temporaire du processus de réforme, risque d’accentuer encore davantage les tensions existantes. »
Une décision qui illustre le bras de fer qui oppose Rome à l’aile allemande des chevaliers, représentée par l’actuel Grand Chancelier, Albrecht von Boeselager : ceux-ci voient d’un mauvais œil la réforme de l’Ordre pilotée directement depuis Sainte-Marthe.
Car en touchant à la souveraineté de l’Ordre, la réforme diminuerait par voie de conséquence l’influence des chevaliers allemands, une influence aussi prépondérante que discrète, depuis une vingtaine d’années déjà…
Albrecht von Boeselager avait d’ailleurs vu les projecteurs se braquer sur lui en 2016, lorsque l’ancien Grand Maître Fra’ Matthew Festing, avec le soutien du cardinal Raymond Burke alors protecteur de l’Ordre, avait souhaité l’écarter de son poste, car il aurait organisé la distribution de préservatifs dans des zones de guerre, dans le cadre de ses fonctions.
Le Grand Chancelier, fort de ses soutiens au Vatican, avait réussi à retourner la situation et à faire démissionner le Grand Maître. Il se chuchote que Fra’ Matthew Festing avait surtout eu l’imprudence d’enquêter sur un leg de 130 millions d’euros provenant d’un chevalier français inconnu – Jehan du Tour, un pseudonyme, semble-t-il – dont la provenance n’aurait pas été très licite.
Après la victoire du Chancelier allemand et la démission du Grand Maître, l’enquête sur le fameux héritage est passée aux oubliettes, mais le butin n’a pas dû être perdu pour tout le monde…
Quoi qu’il en soit, en imposant Fra’ John Dunlap – un juriste de renommée internationale – comme Lieutenant de Grand Maître, le pape François entend probablement prendre de court les opposants à une réforme qui devra s’appliquer « en dépit de toute norme ou disposition de loi (…) qui pourrait être contraire à ma décision », selon les termes du bref pontifical. Un « quoi qu’il en coûte » qui n’étonne pas vraiment, venant du pontife argentin.
Comme il faut aller vite, et ne pas laisser aux chevaliers allemands le temps de se retourner, le nouveau Lieutenant a prêté serment en présence du délégué spécial du souverain pontife, le cardinal Silvano Maria Tomasi, immédiatement à l’issue des funérailles de son prédécesseur, le 14 juin dernier.
Sa tâche principale sera d’adopter la Constitution visant à réformer l’Ordre de Malte, et de préparer l’élection d’un nouveau Grand Maître, poste demeuré vacant depuis le rappel à Dieu de Fra’ Giacomo Dalla Torre del Tempio di Sanguinetto, en avril 2020.
Du moins si Dieu lui prête vie, car en moins de deux ans, deux Grands Maîtres et un Lieutenant de Grand Maître sont morts : un mauvais présage pour certains, aussi sombre que l’habit séculaire des chevaliers de l’Ordre.
(Sources : Il Messagero/La Croix – FSSPX.Actualités)
Illustration : © orderofmalta.int