Deux “papabili” italiens : le cardinal Parolin et le cardinal Pizzaballa

Source: FSSPX Actualités

Les cardinaux Pietro Parolin et Pierbattista Pizzaballa

Au petit jeu des papabili, si en vogue en cette fin de pontificat, les vaticanistes romains avancent deux noms de cardinaux italiens, avec l’idée sous-jacente que les conclavistes voudront élire un pape italien, après un Polonais, un Allemand et un Argentin. Rien n’est moins sûr, voyons donc avec un regard critique ces deux papabili transalpins dont les noms sont souvent cités.

Le cardinal Parolin pour maintenir la ligne du pape François

Tout d’abord le cardinal Parolin, secrétaire d’Etat de François. Sur le site katholisches.info du 29 avril 2024, Giuseppe Nardi ne doute pas que le cardinal ne se soit déjà mis en bonne position pour le prochain conclave, mais il prévient que ce prélat ferait du Bergoglio sans le pape Bergoglio. Et il appuie son analyse sur un fait récent.

Le 24 avril dernier, le vaticaniste de la RAI Ignazio Ingrao a présenté son nouveau livre Cinque domande che agitano la Chiesa [Cinq questions qui agitent l’Eglise], dans l’ancien Collegio romano. Le cardinal Parolin y assistait et a répondu à la question d’un journaliste sur ce qu’il adviendrait des réformes lancées par le pape.

« Avec de la patience, de la prière et du discernement, les dirigeants de l’Eglise pourront compter sur l’assistance de l’Esprit-Saint dans leurs décisions, y compris après le pontificat argentin. C’est précisément parce qu’il s’agit de l’action de l’Esprit qu’il ne peut y avoir de revirement », a affirmé le haut prélat.

Giuseppe Nardi relève : « La déclaration de Parolin – et la couverture médiatique qui s’en est suivie – s’est concentrée sur le “revirement” qui a été exclu. L’“irréversibilité” du pontificat bergoglien – dont François et sa cour ont parlé à plusieurs reprises – signifie que ce pontificat et ses innovations doivent être protégés par quelqu’un qui en garantisse la pérennité.

« Le cardinal secrétaire d’Etat lui-même n’a pas prononcé le mot “irréversible” ce jour-là, car cela n’était pas nécessaire. Ignazio Ingrao l’avait déjà fait, en présentant la pérennité des “processus irréversibles” lancés par François comme le leitmotiv de la réflexion sur l’avenir de l’Eglise. Le cardinal Parolin a pu se limiter à un signal apparemment mineur, en laissant entendre qu’il était l’homme qui excluait un “revirement”, c’est-à-dire qui garantissait l’“irréversibilité” souhaitée. »

Et d’ajouter : « Le secrétaire d’Etat a ainsi également indiqué ce qui est considéré comme souhaité dans les hautes sphères curiales : une ère “Bergoglio sans Bergoglio”, peut-être un peu plus modérée, mais sans retour en arrière. Et c’est exactement ainsi que cela a été compris, comme le montre la diffusion rapide et massive de la réponse de Parolin le mercredi [24 avril], ce qui permet de constater que l’on travaille sur le style de la campagne. »

Personne ne s’y trompe à Rome : « Parolin fait un peu campagne électorale et le pape le sait », commente en souriant un cardinal proche de François. « Parfois, il fait de petites remarques en public pour le faire savoir. » Il est certain, commente Giuseppe Nardi, que « la campagne électorale est lancée depuis un moment, et le cardinal Parolin est monté sur le ring, avec une annonce précise ».

Loin de l’entre-soi douillet que cultivent les partisans de François, le journaliste britannique Damian Thompson déclare dans une analyse du 27 avril, parue sur le site UnHerd [Voir notre article : « Papabili, ceux qui y croient et ceux qui s’y croient »] : « Personne ne conteste que Parolin est un opérateur intelligent qui s’est spécialisé dans l’assurance que ses empreintes digitales sont loin des scènes de crimes divers.

« Il nuance ses déclarations sur l’Ukraine et Israël, tandis que le pape met les pieds dans le plat avec ses commentaires improvisés. Il bombarde d’amour ses ennemis potentiels. Sentant un retour de bâton contre François, il se rapproche de la droite, admettant que les bénédictions homosexuelles du cardinal Fernández sont un non-sens. »

Et de préciser : « Pour ses détracteurs, Parolin est le François italien : vide, sournois et méprisant la messe en latin, une position idiote si l’on considère le fait surprenant que l’ancienne liturgie acquiert rapidement un statut de dévotion parmi les jeunes catholiques.

« Mais ils négligent peut-être une grande différence : dès qu’il est devenu cardinal, Bergoglio a eu les yeux rivés sur la papauté et son regard n’a jamais faibli. Parolin, quant à lui, reconnaît peut-être qu’il est trop compromis pour survivre à des scrutins successifs. Sa véritable ambition est peut-être de devenir un secrétaire d’Etat vraiment puissant sous le pontificat du prochain pape ? » – Qui vivra verra !

Le cardinal Pizzaballa, une autorité reconnue en Terre sainte

Autre prélat souvent cité, mais qui, lui, a la faveur du site conservateur LifeSiteNews, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem. A l’occasion de sa prise de possession, le 1er mai, de l’église dont il est titulaire à Rome, Saint-Onuphre-du-Janicule, le site anglophone relève « la célébration ad orientem, particulièrement remarquée ».

Il ajoute : « la présence répétée du latin dans la messe Novus Ordo qu’il a célébrée, et la réception très fréquente de la communion sur la langue par les personnes présentes ont été spécialement frappantes. LifeSiteNews croit savoir que le cardinal Pizzaballa connaît la messe traditionnelle en latin et, comme le fait remarquer le vaticaniste Edward Pentin, qu’il l’accueille favorablement. »

Mais le statut de papabile du cardinal Pizzaballa repose sur des raisons moins liturgiques que diplomatiques. LifeSiteNews relève : « Les nombreuses décennies pendant lesquelles Pizzaballa a maîtrisé la situation politique immensément tendue du Moyen-Orient lui ont valu le respect des dirigeants politiques et religieux de la région.

« Et comme son autorité a été mise en lumière au cours des derniers mois, il a rapidement été reconnu par les analystes du Vatican comme un possible futur pape. Alors que Rome se rapproche de plus en plus d’un conclave et que les rumeurs indiquent que les cardinaux souhaitent un Italien comme prochain pape, le courage personnel de Pizzaballa, qui parle simplement et qui est direct, pourrait l’avoir positionné dans la course au trône papal. »

Même point de vue de la part de Nico Spuntoni dans Il Giornale du 5 mai : « Lors de la cérémonie de prise de possession, le nouveau titulaire de l’église sur la colline du Janicule a déclaré que “le profond sillon de haine, de rancœur, qui existe entre les populations nous fait comprendre que le temps sera très long et qu’il faudra une autorité capable d’inspirer la confiance et dotée d’une grande vision pour l’avenir, sachant toutefois qu’il faudra beaucoup de temps, beaucoup de patience, parce que les blessures sont encore trop profondes”. »

Le journaliste italien voit dans cette position une prudence courageuse : « Ces dernières années en Terre Sainte, le patriarche s’est révélé être un pasteur équilibré, mais pas un équilibriste : ses récentes déclarations en Italie témoignent qu’il ne mâche pas ses mots pour dire ce qu’il pense de la crise et de ses conséquences. »

Et il loue ce « pragmatisme, mûri au cours des nombreuses années passées en Terre Sainte et des nombreuses négociations qui ont échoué ». – Le patriarche de Jérusalem deviendra-t-il l’évêque de Rome ? L’avenir seul le dira.