« Les affirmations du cardinal Marx sont en contradiction avec le dogme »

Source: FSSPX Actualités

Cardinal Walter Brandmüller.

Le 14 avril 2015, le cardinal Walter Brandmüller, président émérite du Comité pontifical des Sciences Historiques, un des cinq cardinaux coauteurs de l’ouvrage Demeurer dans la vérité du Christ (Artège), a répondu avec franchise aux questions du Dr Maike Hickson, du Life Site News. 

En voici les extraits les plus significatifs  :

LSN : L'Eglise peut-elle traiter la question du mariage d'une manière pastorale différente de l'enseignement constant de l'Eglise ? L'Eglise peut-elle changer ce même enseignement sans tomber elle-même dans l'hérésie ?

Walter Brandmüller : Il est évident que la pratique pastorale de l'Eglise ne peut pas être en opposition avec la doctrine obligatoire, ni l'ignorer. De la même façon, un architecte pourrait peut-être bâtir un très beau pont, mais s'il ne fait pas attention aux lois de l'ingénierie, il risque l'effondrement de la structure. De la même manière, toute pratique pastorale doit suivre la Parole de Dieu si elle ne veut pas échouer. Un changement de l'enseignement, du dogme, est impensable. Celui qui néanmoins le fait consciemment, ou qui le demande avec insistance, est un hérétique, même revêtu de la pourpre romaine.


LSN : Toute la discussion sur l'admission des remariés à la Sainte Eucharistie n'est-elle pas aussi l'expression du fait que de nombreux catholiques ne croient plus en la Présence réelle et pensent plutôt qu'ils reçoivent dans la Sainte Communion juste un morceau de pain ?

WB : Il y a, en effet, une contradiction interne indissoluble chez celui qui veut recevoir le Corps et le Sang du Christ et s'unir à Lui, alors qu'en même temps il néglige consciemment son commandement. Comment cela peut-il marcher ? Saint Paul dit à ce propos : « Celui qui mange et boit indignement, mange et boit son propre jugement… » Mais, vous avez raison. Une bonne partie des catholiques ne croit plus en la Présence réelle du Christ dans l'hostie consacrée. On peut voir cela déjà dans le fait que de nombreuses personnes – même des prêtres – passent devant le tabernacle sans génuflexion.

LSN : Pourquoi y a-t-il aujourd'hui dans l'Eglise une si forte attaque contre l'indissolubilité du mariage ? Une réponse possible serait que l'esprit de relativisme est entré dans l'Eglise ; mais il doit y avoir d'autres raisons. Pouvez-vous en donner quelques-unes ? Toutes ces raisons ne sont-elles pas un signe de la crise de la Foi au sein de l'Eglise elle-même ?

WB : Bien sûr, si certaines normes morales qui ont été valides de façon générale, toujours et partout, ne sont plus reconnues, alors chacun se fait lui-même sa propre loi morale. Cela a comme conséquence que chacun fait ce qu'il lui plaît. On peut ajouter l'approche individualiste de la vie qui considère la vie comme une opportunité unique d'épanouissement personnel — et non comme une mission du Créateur. Il est évident que de telles attitudes sont l'expression d'une perte profonde de la Foi.

LSN : Dans ce contexte, on peut affirmer qu'on a très peu parlé, dans les dernières décennies, de l'enseignement sur la chute de la nature humaine. L'impression dominante était que l'homme est en fin de compte bon. Cela a conduit, à mon avis, à une attitude laxiste vis-à-vis du péché. Maintenant que nous assistons aux fruits d'un tel laxisme — une explosion de conduite inhumaine dans tous les domaines possibles de la vie humaine — cela ne devrait-il pas être une raison pour l'Eglise de voir que l'enseignement sur la chute de la nature humaine a été confirmé, et de le proclamer donc à nouveau ?

WB : Cela est vrai, en effet. Le thème du Péché originel avec ses conséquences, la nécessité de la Rédemption à travers la souffrance, la mort et la Résurrection du Christ a été largement étouffé et oublié pendant longtemps. Et pourtant, nous ne pouvons pas comprendre l'évolution du monde et de notre propre vie sans ces vérités. Il est inévitable que l'ignorance de ces lois morales essentielles amène à l'inconduite morale. Vous avez raison : on doit finalement à nouveau prêcher sur ce sujet, avec clarté. (…)

LSN : Que diriez-vous des récentes affirmations de Mgr Franz-Josef Bode (président de la Commission pastorale de la Conférence Episcopale Allemande) que l'Eglise catholique doit de plus en plus s'adapter aux « réalités de la vie » des gens d'aujourd'hui et, en conséquence, adapter son enseignement moral ? Je suis convaincu que vous, en tant qu'historien de l'Eglise, avez devant les yeux d'autres exemples dans l'histoire de l'Eglise, lorsqu'elle subissait des pressions extérieures afin de changer l'enseignement du Christ. Pourriez-vous en citer quelques-uns, et comment l'Eglise a-t-elle réagi à ces attaques ?

WB : Il est absolument clair, et ce n'est pas nouveau non plus, que la proclamation de l'enseignement de l'Eglise doit s'adapter aux situations concrètes de la vie de la société et de l'individu, si nous voulons que le message soit entendu. Mais cela s'applique seulement à la manière de la proclamation, et pas du tout à son contenu inviolable. Une adaptation de l'enseignement moral n'est pas acceptable. « Ne vous conformez pas au monde » dit l'apôtre saint Paul. Si Mgr Bode enseigne quelque chose de différent, il se trouve en contradiction avec l'enseignement de l'Eglise. Est-il conscient de cela ?

LSN : L'Eglise catholique en Allemagne est-elle autorisée à emprunter son propre chemin dans la question de l'admission des couples remariés à la Sainte Eucharistie et à décider ainsi indépendamment de Rome, comme l'a affirmé le cardinal Reinhard Marx après la récente rencontre de la Conférence Episcopale Allemande ?

WB : Les affirmations bien connues du cardinal Marx sont en contradiction avec le dogme de l'Eglise. Elles sont irresponsables du point de vue pastoral, parce qu’elles exposent les fidèles à la confusion et au doute. S'il pense qu'il peut prendre au niveau national un chemin indépendant, il mettra en danger l'unité de l'Eglise. Il demeure que les normes contraignantes de tout l'enseignement et de la pratique de l'Eglise sont ses doctrines clairement définies.