Pologne : le Tribunal Constitutionnel fait reculer l’avortement

Source: FSSPX Actualités

Tribunal constitutionnel de Varsovie

Le jeudi 22 octobre 2020 est à marquer d’une pierre blanche pour les catholiques polonais. En ce jour, en effet, le Tribunal Constitutionnel a prononcé un jugement historique pour défendre la vie de l’enfant à naître.

Ce jugement survient après diverses péripéties qu’il n’est pas inutile de rappeler, d’autant qu’elles sont déformées par la présentation des médias alignés sur le politiquement correct.

Rappel historique

L’avortement était interdit en Pologne jusqu’en 1932, année qui voit paraître une loi l’autorisant si la vie de la femme ou du fœtus est en danger ou si la grossesse est le résultat d’un acte criminel (viol ou inceste). Cette loi est très avancée pour l’époque. Elle a été prise sous le régime dirigé – même s’il n’est pas président – par le maréchal Józef Piłsudski (1867-1935), qui vient du socialisme.

Le pouvoir communiste introduisit un nouveau motif en avril 1956 : si la femme enceinte vivait dans des conditions socio-économiques difficiles (pauvreté, mère monoparentale, faible revenu, etc.), dont le jugement relevait du médecin. C’était l’IVG sans le nom. Cette facilité sera utilisée par des femmes d’autres pays jusque dans les années 70.

Après la chute du régime communiste, une ordonnance fut passée au parlement revenant sur les modifications apportées à la loi en 1956, en date du 7 janvier 1993. Désormais, les conditions de vie difficiles n’étaient plus un facteur pris en compte lorsqu’une femme désirait mettre fin à sa grossesse. L’avortement n’est plus alors autorisé : qu’en cas de danger de vie de la mère, actes crapuleux (viols et incestes), et raison eugéniques – possibilité de maladie de l’enfant ou de son handicap.

Le recours des députés polonais auprès du Tribunal Constitutionnel

Un recours d’une centaine de députés polonais avait été déposé en 2017 au Tribunal, demandant de retrancher la clause eugénique de la loi sur l’avortement, comme inconstitutionnelle. En effet, la constitution polonaise de 1997, porte en son numéro 38 : « La République de Pologne garantit à tout homme la protection juridique de la vie. »

La question était débattue dans les milieux du droit, mais l’avis des juristes était clair : plusieurs anciens présidents ou membres du Tribunal affirmaient que cette loi contredisait la constitution. Mais à l’époque, le parti Droit et Justice introduisit le principe de discontinuité des recours : le Tribunal n’ayant pas considéré le recours avant les élections parlementaires, il est devenu nul par principe.

Cette situation était paradoxale, car la majorité des signataires du recours étaient précisément des députés appartenant au parti Droit et Justice. Mais son président, Jarosław Kaczyński pensait que « le temps n’était pas propice pour se pencher sur la question de l’avortement ». C’est pourquoi son parti ne voulait pas procéder au vote de plusieurs projets de loi anti-avortement, déposés au parlement par des initiatives citoyennes, congelés dans les commissions parlementaires, et qui s’y trouvent encore.

Cette attitude d’esquive fut fortement critiquée par les milieux catholiques et pro-life. L’épiscopat polonais montra aussi un grand mécontentement vis-à-vis d’un gouvernement qui se donnait une image électorale pro-catholique et conservatrice, mais qui n’était pas suivie d’effets.

Le nouveau recours des députés au Tribunal portait sur l’avortement eugénique de la loi de 1993. Le jugement du 22 octobre a été pris à 13 voix contre 2, alors que, de manière inhabituelle, le Tribunal Constitutionnel réunissait ses quinze juges en séance solennelle. Le motif eugénique de la loi de 1993 sera donc abrogé dès que le verdict du tribunal sera publié au Journal Officiel.

Portée réelle de ce jugement

Au point de vue “quantitatif” : en 2019, sur 1116 avortements “légaux”, 1074 sont inscrits dans la catégorie eugénique, soit 96,2%.

Les statistiques montrent une prédominance de trisomie 21 – avec ou sans autres troubles associés (435). Un autre lot important comporte les malformations multiples (200). Mais, ce dernier nombre est difficile à interpréter, car des médecins conseillaient ce motif pour obtenir l’avortement.

A noter, les 13 cas de syndrome de Turner, alors que, dans les études récentes, après traitement par l’hormone de croissance, les jeunes femmes porteuses de cette anomalie ont une qualité de vie perçue comme normale en comparaison avec des jeunes femmes du même âge…

La presse étrangère n’a pas manqué de parler des « droits des femmes » bafoués par ce vote. Ce qui est oublier deux choses : dans nombre de pays – dont la France – l’avortement n’est pas un droit. Il s’agit d’un acte « dépénalisé », donc prohibé, mais qui ne doit plus être jugé comme coupable. D’autre part, l’enfant à naître a aussi des droits, reconnus par la plupart des constitutions, mais de fait bafoués et annulés par les lois permettant l’avortement.

Au point de vue “qualitatif”, le verdict est une conséquence logique de jugements antérieurs, qui avaient déjà montré qu’il existe en Pologne une protection constitutionnelle de la vie humaine. Cette protection ne fait pas de différence entre la vie prénatale et postnatale, et protège l’être humain dès sa conception.