Sainte-Marie-Majeure : régime de carême pour les chanoines

Les vénérables chanoines de la basilique libérienne savaient depuis un certain temps que le souverain pontife avait les yeux braqués sur eux, et pas seulement parce que François entretient une dévotion particulière pour l’icône de la Vierge Salus populi romani vénérée en cet endroit : par le passé, la presse italienne s’était déjà fait l’écho d’une gestion économique parfois présumée hasardeuse de l’un des plus fameux sanctuaires de la Ville éternelle.

Le principal changement est une réduction des compétences du chapitre : « Je considère qu’il convient de libérer les chanoines de toute responsabilité économique et administrative, afin qu'ils puissent se consacrer, pleinement et avec une vigueur renouvelée, à l’accompagnement spirituel et pastoral que les pèlerins du monde entier recherchent et souhaitent trouver, en franchissant le seuil du premier sanctuaire marial d’Occident », explique le chirographe du 19 mars 2024.

Déchus de tout pouvoir en matière de finance, les chanoines de Sainte-Marie-Majeure ne pourront plus louer à leur gré les appartements du domaine de la basilique pour leurs familles ou leurs amis, comme la coutume leur en garantissait le privilège jusqu’ici : il leur faudra avoir reçu l’aval du conseil d’administration.

L’institution de ce dernier est l’une des grandes nouveautés de la réforme : c’est à cet organe que reviendra la totalité de la gestion de la basilique libérienne tandis que le mandat des chanoines se trouve réduit à une durée de cinq années, avec une limite d’âge fixée à quatre-vingts ans, et l’obligation de quitter sous un mois le domicile prêté gracieusement par la basilique lorsque le canonicat est arrivé à échéance. Le temps des prébendes à vie est bien révolu.

En 2021, le pape François avait chargé l’un de ses hommes de confiance, le père Rolandas Makrickas – qu’il a depuis élevé à la dignité d’archevêque – de prendre en main la gestion économique et financière d’un chapitre libérien officiellement « mis à genoux par la pandémie de Covid 19 ».

Une mise sous tutelle justifiée par la tenue « chaotique » et « opaque » des comptes par les chanoines selon la presse, le temps de rédiger de nouveaux statuts pour une institution qui date de la fin du XIIe siècle, et qui avait toujours eu les mains libres par le passé. Les premiers statuts promulgués par le pape Jean-Paul II en 1999 avaient eu le mérite de faire apparaître la complexité de la structure canoniale réformée depuis quelques jours.

Mgr Makrickas, en remerciement de ses services, a été nommé par le pontife argentin archiprêtre coadjuteur de la basilique avec « toutes les facultés nécessaires pour la modération et l’application de la nouvelle législation, pour la gouvernance du Chapitre (…) et pour accomplir les actes d’administration ordinaire et extraordinaire jusqu’à la constitution du Conseil d’Administration ».

Conçue selon les principes de la constitution apostolique Praedicate Evangelium qui a présidé à la réforme de la Curie romaine – et dont l’un des objectifs plus ou moins avoués est de transférer une partie du pouvoir de gouvernement ecclésiastique aux laïcs – la nouvelle réforme limite les compétences du chapitre à la sphère spirituelle, là où il devra « briller par la sainteté d’une vie dévouée au service de Dieu, et par la piété des mœurs ».

Son autre tâche sera de veiller à la future sépulture du pape François qui a décidé d’être inhumé à Sainte-Marie-Majeure, rompant avec l’usage établi par ses prédécesseurs de choisir la Basilique vaticane comme lieu de repos dans l’attente de la Résurrection. Les nouveaux statuts ne prévoient pas en tout cas que les chanoines viennent fleurir sa tombe tous les jours…