Qui est derrière le Chemin synodal allemand ?

Source: FSSPX Actualités

Le cardinal Walter Kasper

Le cardinal Walter Kasper s’est exprimé pour une énième fois sur le Chemin synodal allemand, dans le cadre d’une journée d’étude en ligne organisée par l’initiative “Nouveau départ” – en allemand Neuer Anfang – qui se penche de manière critique sur ce processus. Il y a des points positifs et intéressants dans cette conférence du prélat qui aura 90 ans cette année.

L’Eglise a besoin de réforme

Dans un développement en cinq points, l’ancien évêque de Rottenburg-Stuttgart rappelle d’abord l’adage bien connu Ecclesia semper reformanda, “l’Eglise a toujours besoin d’être réformée et renouvelée”. Mais la question est de savoir de quelle manière.

Vraie et fausse réforme

Il faut donc distinguer vraie et fausse réforme – citation implicite du titre du livre du P. Congar « Vraie et fausse réforme dans l’Eglise ». Ainsi : « il est important de préciser que le renouvellement n’est pas une nouveauté. Renouveler ne signifie pas inventer une nouvelle Eglise. »

La précision est bienvenue mais jure avec un passage antérieur qui affirmait : « Vatican II a été un renouveau. Avec la réforme de la liturgie, la redécouverte de l’importance de la parole de Dieu, une vision renouvelée de l’Eglise et de sa relation avec le monde moderne. Avec le oui à la liberté de religion, au renouveau œcuménique, à la réconciliation avec le peuple juif. » - Or tous ces points sont de réelles nouveautés dans l’Eglise !

Mais conservons la formule initiale. Le président émérite du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens l’applique au synode – il entend par là le synode diocésain. Il affirme alors que :

« Les synodes ne peuvent pas être rendus permanents par une institution. La tradition de l’Eglise ne connaît pas de gouvernement synodal de l’Eglise. Un conseil suprême synodal, tel qu’il est envisagé aujourd’hui, n’a aucun fondement dans l’histoire constitutionnelle. Il ne s’agirait pas d’un renouveau, mais d’une innovation inouïe. »

Il faut remarquer que cette affirmation ne se heurte pas seulement aux récents développements du Chemin synodal dans lequel la proposition d’un synode permanent a été faite, mais à la pensée même du Pontife régnant qui veut mettre l’Eglise en état de synode, lui donner un style synodal.

Le cardinal ajoute qu’un politologue a bien décrit cette prétention : « un tel conseil synodal serait un Soviet suprême », Soviet signifiant d’ailleurs originairement “conseil”. La boutade touche très juste.

Critères de la réforme

Ce point vise le cœur du Chemin synodal. Il rappelle que la théologie s’inspire de sources – de “lieux” selon la terminologie reçue. Le dominicain Melchior Cano (1509-1560) a organisé la réflexion de manière systématique sur le sujet et il décrit dix lieux. Sept d’entre eux sont “propres” à la révélation divine : l’Ecriture sainte, la tradition, l’autorité de l’Eglise, les conciles œcuméniques, l’autorité du Souverain Pontife, la doctrine des Pères de l’Eglise et celle des théologiens.

Trois autres “lieux” sont « étrangers » à la révélation : la raison naturelle, la philosophie et l’histoire. Walter Kasper note alors très justement que le Chemin synodal a mis à égalité les premiers et les seconds, et il ajoute : « Il est aberrant et complètement faux de mettre les points de vue humains à égalité avec l’Evangile. » Et il souligne que les critiques récentes portent spécialement sur ce point.

Le cardinal explique ensuite qu’un synode a une tête – l’évêque diocésain – et un corps, le diocèse. Il faut donc que l’évêque exerce son autorité, et il ne peut pas s’en dessaisir. Il attaque alors « l’engagement volontaire » des évêques allemands. Il s’agit d’un point des Statuts du Chemin synodal et de l’accord entre les évêques et le ZdK, le Comité central des catholiques allemands.

Il consiste en ceci : il y a un engagement moral collectif – qui n’oblige que de manière individuelle chaque évêque – à appliquer les décisions du synode allemand. Au départ, le Zdk n’acceptait de participer que si les votes étaient « contraignants », mais après les observations romaines, la mention n’a pu être maintenue. Elle est compensée par cet engagement des évêques.

Le cardinal le qualifie d’astuce, et même d’astuce « pourrie ». D’abord parce qu’un évêque ne peut s’engager que pour lui-même et non pas pour ses successeurs. Et surtout : « un tel engagement équivaudrait à une démission collective des évêques. Du point de vue du droit constitutionnel, on ne pourrait qualifier cela que de coup, c’est-à-dire de tentative de coup d’Etat. »

Au dernier point Mgr Kasper rappelle à juste titre que dans les situations de crise, les synodes, quoique très utiles, ont contribué au renouvellement, mais très souvent n’en ont pas été la source. Celle-ci s’est trouvée dans des hommes suscités par Dieu. C’est une constante de l’histoire de l’Eglise.

Une erreur capitale

Cependant, dans son analyse, le haut prélat commet une erreur capitale. Il estime que « le péché originel du Chemin synodal est d’avoir, dès le début, plus ou moins mis de côté la lettre du pape et sa proposition de partir de l’Evangile et de la mission fondamentale de l’évangélisation, et d’avoir pris sa propre voie avec des critères partiellement différents ».

Cette lettre du pape critique certes des aspects du processus qui en était alors à son lancement, mais sa critique se mue en encouragement sur d’autres points, et les évêques allemands n’ont pas manqué de le remarquer.

Et surtout cette critique occulte la responsabilité première et totale du pape dans la situation actuelle. Alors que des épiscopats entiers, des cardinaux, des dizaines d’évêques, des prêtres et des laïcs, tirent avec de plus en plus d’insistance le signal d’alarme, que fait François ? Il publie Traditionis custodes.

Alors que la situation est devenue tellement grave qu’il est désormais évident qu’une bonne partie de l’Eglise d’Allemagne est dans le schisme et que la désillusion sera à la mesure de l’ampleur prise par les travaux de l’Assemblée synodale, que fait François ? Il frappe les plus traditionnels ou conservateurs, comme le diocèse de Fréjus-Toulon.

Alors que des dizaines de prêtres, un évêque même, avec l’encouragement d’une bonne partie de l’épiscopat allemand, ont déjà, à deux reprises, « béni » des couples homosexuels contre l’avis exprès de la Congrégation pour la doctrine de la foi, que fait François ? Il félicite le P. James Martin et tous ceux qui plaident pour obtenir un mariage – civil – pour ces “unions”.

Alors que ce Chemin synodal risque de laisser l’Allemagne dans une situation pire qu’après la prédication de Martin Luther, que fait François ? Il lance un synode mondial sur la synodalité, dont les premiers résultats dans les diocèses montrent la nette influence de l’avant-garde déjà très lancée outre-Rhin.

Celui qui est derrière le Chemin synodal est François et essentiellement lui. Il en portera la responsabilité devant Dieu et devant l’Eglise.