Lecture : Lettre Notre Charge apostolique sur Le Sillon, saint Pie X

Source: FSSPX Actualités

Lettre du pape saint Pie X sur Le Sillon

Vénérables Frères Salut et Bénédiction Apostolique 
 

Notre charge apostolique nous fait un devoir de veiller à la pureté de la foi et à l'intégrité de la discipline catholique, de préserver les fidèles des dangers de l'erreur et du mal, surtout quand l'erreur et le mal leur sont présentés dans un langage entraînant, qui, voilant le vague des idées et l'équivoque des expressions sous l'ardeur du sentiment et la sonorité des mots, peut enflammer les coeurs pour des causes séduisantes mais funestes. Telles ont été naguère les doctrines des prétendus philosophes du XVIIIe siècle, celles de la Révolution et du libéralisme tant de fois condamnées ; telles sont encore aujourd'hui les théories du Sillon, qui, sous leurs apparences brillantes et généreuses, manquent trop souvent de clarté, de logique et de vérité, et, sous ce rapport, ne relèvent pas du génie catholique et français. 
 

Nous avons hésité longtemps, Vénérables Frères, à dire publiquement et solennellement notre pensée sur le Sillon. Il a fallu que vos préoccupations vinssent s'ajouter aux Nôtres pour Nous décider à le faire. Car Nous aimons la vaillante jeunesse enrôlée sous le drapeau du Sillon, et Nous la croyons digne, à bien des égards, d'éloge et d'admiration. Nous aimons ses chefs, en qui Nous Nous plaisons à reconnaître des âmes élevées, supérieures aux passions vulgaires et animées du plus noble enthousiasme pour le bien. Vous les avez vus, vénérables Frères, pénétrés d'un sentiment très vif de la fraternité humaine, aller au-devant de ceux qui travaillent et qui souffrent pour les relever, soutenus dans leur dévouement par leur amour pour Jésus-Christ et la pratique exemplaire de la religion. 
 

C'était au lendemain de la mémorable Encyclique de Notre prédécesseur, d'heureuse mémoire, Léon XIII, sur la condition des ouvriers. L'Église, par la bouche de son chef suprême, avait déversé sur les humbles et les petits toutes les tendresses de son coeur maternel, et semblait appeler de ses voeux des champions toujours plus nombreux de la restauration de l'ordre et de la justice dans notre société troublée. Les fondateurs du Sillon ne venaient-ils pas, au moment opportun, mettre à son service des troupes jeunes et croyantes pour la réalisation de ses désirs et de ses espérances ? Et, de fait, le Sillon éleva parmi les classes ouvrières l'étendard de Jésus-Christ, le signe du salut pour les individus et les nations, alimentant son activité sociale aux sources de la grâce, imposant le respect de la religion aux milieux les moins favorables, habituant les ignorants et les impies à entendre parler de Dieu, et souvent, dans des conférences contradictoires, en face d'un auditoire hostile, surgissant, éveillé par une question ou un sarcasme, pour crier hautement sa foi. C'étaient les beaux temps du Sillon ; c'est son beau côté qui explique les encouragements et les approbations que ne lui ont pas ménagés l'épiscopat et le Saint-Siège, tant que cette ferveur religieuse a pu voiler le vrai caractère du mouvement sillonniste. 
 

Car, il faut le dire, Vénérables Frères, nos espérances ont été, en grande partie, trompées. Un jour vint où le Sillon accusa, pour les yeux des clairvoyants, des tendances inquiétantes. Le Sillon s'égarait. Pouvait-il en être autrement ? Ses fondateurs, jeunes, enthousiastes et pleins de confiance en eux-mêmes, n'étaient pas suffisamment armés de science historique, de saine philosophie et de forte théologie pour affronter sans péril les difficiles problèmes sociaux vers lesquels ils étaient entraînés par leur activité et leur cœur, et pour se prémunir, sur le terrain de la doctrine et de l'obéissance, contre les infiltrations libérales et protestantes.

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