Niger : partir ou se convertir, le dilemme des communautés chrétiennes
Le phénomène est assez ancien, mais le coup d’Etat de juillet 2023 n’a pas arrangé les choses : de vastes pans de ce pays de 1,2 millions de kilomètres carrés sont sous la coupe de ceux que les habitants nomment les « bandits », qui sévissent d’ailleurs dans des pays frontaliers comme le Mali, le Burkina Faso ou encore le Nigéria.
D’après les informations recueillies par l’Institut d’études de sécurité (ISS), presque tous les bandits qui opèrent dans le sud Niger et le nord du Nigéria sont issus de trois communautés ethniques (peule, haoussa et touareg) présentes dans les deux pays. Les responsables de la sécurité ont confirmé à l’ISS que la plupart d’entre eux appartenaient à la communauté peule du Nigéria.
Les “bandits” sont donc principalement des Nigérians, y compris ceux qui opèrent au Niger. De même, leurs repaires se situent surtout au Nigéria, notamment dans les forêts des Etats touchés (Sokoto, Zamfara, Katsina, Kebbi, Niger et Kaduna).
Ce banditisme attire des djihadistes venus de plusieurs pays du Sahel pour participer à la curée et financer leurs opérations. « Les gangs comptent plusieurs dizaines de milliers de membres. Les groupes armés se déplacent en essaims de motos par les petits chemins et les forêts, surgissant à plusieurs centaines de kilomètres de leur base pour une attaque » relate le journal Le Monde.
L’agence Fides rapporte le racket subi par les chrétiens du Niger. Les bandits, arrivés dans un village, proposent le choix suivant : soit payer une taxe de 50.000 CFA (76 €) par personne de sexe masculin à partir de 15 ans, soit se convertir à l’Islam. En cas de refus, il ne reste plus qu’à abandonner le village et tout ce que l'on possède entre leurs mains.
Le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui sont actuellement gouvernés par des régimes militaires, se sont coalisés dans une Alliance des Etats du Sahel (AES). Mais depuis 2018 la vie des paysans du sud Niger n’a cessé de se dégrader. Menaces, enlèvements, assassinats ciblés, écoles désolées et fermées, intimidations et climat de peur caractérisent le quotidien des habitants.
La présence des militaires nigériens n’est pas de nature à décourager ces pratiques qui se sont installées dans la région. Les plaintes et les appels à l’aide semblent tomber dans le vide, malgré la rhétorique de la « souveraineté environnementale » et du retrait tant vanté de la présence militaire étrangère sur le sol nigérien (Russes mis à part).
Tout cela ne dissuade pas les “bandits” ou les groupes armés qui, entre-temps, occupent les terres et, grâce à la politique de la terre brûlée, recrutent des jeunes vivant dans la pauvreté, par la promesse de gains faciles et d’une nouvelle identité sociale.
Parfois les chrétiens acceptent de payer, mais il n’est pas rare qu’ils soient contraints de partir vers des lieux plus protégés : le refus de la « conversion » laisse l’option de l’exode, car payer la somme demandée cette année, c’est la voir doublée pour l’année prochaine. L’impuissance, l’incapacité, la difficulté à prendre en charge la sécurité de la population sont patents.
Mais ce ne sont pas seulement les chrétiens qui sont touchés par les rackets des groupes armés : tous les habitants de la région des Trois Frontières sont concernés. Mais ils ont une caractéristique commune : ce sont des paysans pauvres qui s’ajoutent à la longue liste des « invisibles » qui n’ont que peu d’importance économique et géopolitique.
Et les gouvernements soit ne semblent pas mettre une véritable bonne volonté pour protéger leurs citoyens, comme ils en sont accusés au Nigéria ; soit ne semblent pas capables de tenir tête à cette hydre polymorphe qui peut continuer à prospérer en rançonnant et terrorisant les populations les plus pauvres.
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(Sources : Agence Fides/Le Monde/ISS – FSSPX.Actualités)
Illustration : Institut d’études de sécurité