Ouverture du synode sur l’Amazonie

Source: FSSPX Actualités

Le 6 octobre 2019, à l’occasion de l’ouverture du synode sur l’Amazonie, le pape François a donné ses consignes aux 185 évêques qui ont trois semaines pour réfléchir au thème suivant : « Amazonie : de nouveaux chemins pour l’Eglise et pour une écologie intégrale ». 

Ce synode est préparé depuis 2014 par le REPAM (Réseau ecclésial panamazonien), un organisme créé par des évêques locaux afin de développer un plan pastoral commun pour l’Amazonie et fortement soutenu par les agences allemandes Misereor et Adveniat. Ce sont les éléments de réflexion provenant des nombreuses réunions organisées au fil des ans par le REPAM qui, avec le document préparatoire et les résultats du questionnaire annexe, ont alimenté l’Instrumentum laboris, le document de travail qui doit guider le travail des pères synodaux. 

Dans son sermon d’ouverture, le pape a indiqué dans quel esprit il souhaitait que les pères synodaux traitent les sujets qui leur sont présentés. Selon lui, ils ne doivent pas avoir une « attitude défensive » mais plutôt discerner pour être sensibles à la « nouveauté » proposée par l’Esprit-Saint. Il les a mis en garde contre la tentation d’imposer l’Evangile au lieu de l’offrir, ce qui revient selon lui à une « colonisation » : « que Dieu nous préserve de l’avidité des nouveaux colonialismes ! », ajoutant : « que de fois le don de Dieu, au lieu d’être offert, est-il imposé, que de fois y a-t-il eu colonisation au lieu d’évangélisation ! » François a également dénoncé deux attitudes qu’il redoute pour ce synode : une défense arc-boutée des pratiques et l’imposition d’un modèle « occidental » sur le territoire amazonien. 

Le 7 octobre, dans la Nuova Bussola Quotidiana, Nico Spuntoni relève l’emploi de l’image favorite de François, celle d’une Eglise « toujours en route, toujours en sortie ». « Si tout reste immobile, si ce qui rythme nos jours, c’est le “on a toujours fait comme ça”, le don disparaît, suffoqué par les cendres des craintes et par la préoccupation de défendre le statu quo », a affirmé le pape. Et le journaliste italien de commenter : « Des paroles qui ne semblent pas exclure la possibilité que l’assemblée qui s’est ouverte hier ne fraie la voie à l’introduction d’innovations significatives dans la vie de l’Eglise. » 

Un synode pour une Eglise à « visage amazonien » 

Le 6 octobre, sur le site Atlantico, Edouard Husson n’hésitait pas à déclarer : « synode pour l’Amazonie : quand l’Eglise catholique prend le risque de sortir du christianisme ». Analysant l’Instrumentum laboris, il écrit : « Le document dépasse largement le contexte des habituelles discussions sur l’aggiornamento de l’Eglise de Rome. On est visiblement sorti d’une interprétation, même très large, du concile Vatican II et de ses suites. 

« Il faut lire in extenso ce document pour se rendre compte que l’on a basculé dans autre chose. On n’est plus dans la “réforme du catholicisme”. Pour le dire sans détour, on n’est même plus dans le christianisme. Le document nous propose une nouvelle religion, un nouveau messianisme, “amazonien”, néo-rousseauiste et même, carrément, d’inspiration païenne.  

« Cela crée une situation inédite. Apparemment, une mutation a eu lieu, dans une partie de l’Eglise catholique, qui produit quelque chose de complètement étranger, non seulement à la tradition de l’Eglise mais au christianisme lui-même. Il y manque en effet l’essentiel du christianisme. Le Christ n’y est pas présenté comme le Rédempteur, venu apporter par son sacrifice volontaire le salut de l’humanité. La Passion et la Résurrection, sans lesquelles il n’y a pas de christianisme, sont marginales dans le document de travail. Jésus, quand il est mentionné dans le texte – et c’est peu souvent et jamais de manière organique avec les développements – est vu comme le prétexte d’une conversion à “l’écologie intégrale”. Pour les chrétiens, Jésus est le “vrai Homme uni au vrai Dieu”. Or, on a du mal à discerner la divinité de Jésus dans l’Instrumentum laboris.  

« Il n’y a aucune distinction entre la Création et son Créateur. Le texte est en fait païen, panthéiste – Dieu se confond avec la nature : l’Esprit-Saint, quand le document de travail en parle, n’est pas, au sens chrétien, l’Eternel incréé continuant sa création jusqu’à conformer l’homme au Christ pour le rendre participant de la vie divine ; quand le texte parle de la vie, elle se confond avec la biodiversité ; il n’est jamais question de vie surnaturelle. La sagesse amazonienne est communion avec la nature et avec un Dieu qui n’est pas distinct de cette nature. Il n’y a pas de distinction entre l’esprit des cultures amazoniennes et l’esprit divin. » 

Et l’universitaire français de souligner l’influence de la théologie de la libération sur l’Instrumentum laboris du synode : « On retrouve dans le document de travail du synode toute une phraséologie empruntée à la théologie de la libération : les communautés de base, le cri de la terre et des pauvres, etc. Au fond, loin de revenir au christianisme, comme les y invitaient les condamnations romaines des années 1980, les anciens théologiens de la libération semblent avoir épousé le mouvement de l’époque. L’écologisme, la phraséologie de la “maison commune” et de la “terre mère” est devenue le grand sujet. Et la grande différence avec ce qui se passa dans les années 1980, c’est que, cette fois, au Saint-Siège, on invite les tenants de la nouvelle théologie de la Terre-Mère à venir installer leur pensée non chrétienne au cœur même de l’Eglise catholique.  

Selon Edouard Husson, la responsabilité du pape ne saurait être éludée : « Il n’est plus possible de tourner autour de la question de l’engagement du pape François derrière le mouvement en cours : rédacteur en 2007 du texte d’Aparecida, le cardinal Bergoglio n’a cessé, depuis qu’il est pape, d’encourager le mouvement “amazonien” au sein de l’Eglise latino-américaine. En juillet 2013, lorsqu’il se rend au Brésil puis en janvier 2014 et en 2018, lors de voyages au Pérou, il a parlé du “visage amazonien” de l’Eglise. [De fait, ce “visage amazonien” annonce un virage syncrétiste. NDLR] En décembre 2013, il a encouragé, dans un courrier, une réunion des “communautés ecclésiales de base”, cellules militantes d’inspiration marxiste – et désormais converties à l’écologie – remontant à l’époque de la théologie de la libération. Entre 2014 et 2016, il a discrètement suivi les travaux du réseau REPAM. Convaincu par ses premiers résultats, le pape a convoqué en 2017, le synode pour l’Amazonie, deux ans à l’avance. C’est François qui a choisi lui-même les participants aux travaux préparatoires du synode puis au synode. » 

D’où une conclusion radicale sur le document de travail qu’étudieront les pères synodaux pendant trois semaines : « Le choix à effectuer est parfaitement clair. Un catholique, un chrétien, ne doivent même pas discuter ce texte, qui n’a rien à voir avec leur foi. Ils doivent le refuser. » 

Vers un nouveau césaropapisme ? 

Sur les personnalités qui participent à l’assemblée synodale, Nico Spuntoni dans la Nuova Bussola Quotidiana du 23 septembre 2019, relevait : « Le Brésil se taillera la part du lion avec la plus grande délégation dans laquelle se distinguent les figures des cardinaux Claudio Hummes et João Braz de Aviz, respectivement rapporteur général et président délégué de l’assemblée. (…) Parmi les invités d’honneur, on retrouve les noms de Jean-Pierre Dutilleux, président de Forêt Vierge, association française créée pour la cause “indigène” et active sur le territoire contre la déforestation de l’Amazonie, Mgr Pirmin Spiegel de Misereor et le Père Miguel Heinz d’Adveniat, les deux ONG de la conférence épiscopale allemande qui ont le plus soutenu – y compris financièrement – le REPAM, organisation fondée en 2014 pour organiser précisément un synode de ce type. 

« Les autres invités spéciaux appartiennent également à un milieu culturel assez homogène : la liste comprend des personnalités provenant de grandes agences internationales, telles que l’ancien Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon ; le Sous-Directeur général de la FAO pour le climat et la biodiversité René Castro ; le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones Victoria Tauli-Corpuz ; le Secrétaire général de la CIDSE Josianne Gauthier (Alliance catholique internationale des agences de développement) ; le représentant indigène de COICA [Coordination des organisations autochtones du bassin amazonien] José Gregorio Díaz Mirabal ; l’économiste américain de la Columbia University Jeffrey D. Sachs ; le “gentil prophète du changement climatique” – ancien conseiller de Mme Merkel – le professeur Hans J. Schellnhuber ; le scientifique des études sur le réchauffement climatique Carlos Nobre ; et l’homme d’affaires argentin Luis Libermann, considéré dans sa patrie comme l’un des plus proches du pape. 

« Toute une compagnie unie par l’attention accordée publiquement au thème du changement climatique, et qui semble refléter le contenu écologico-indigéniste de l’Instrumentum laboris. Une orientation familière également à la majorité des auditeurs, consultants et collaborateurs qui figurent sur la liste des participants. Il y a aussi les “délégués fraternels” – c’est-à-dire les représentants des différentes confessions évangéliques présentes dans la région amazonienne –, majoritairement brésiliens : pasteurs de ces communautés évangéliques protagonistes d’une croissance [protestante] rapide dans les pays sud-américains, qui provoque pour la première fois le recul du catholicisme. » 

Le 25 septembre, le vaticaniste Aldo Maria Valli revenait sur certains de ces noms : « Qui trouvons-nous dans la liste des participants au synode pour l’Amazonie ? L’ex-Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon, qui n’est ni cardinal, ni évêque, ni missionnaire. Et d’ailleurs, à y regarder de plus près, on ne sait même pas s’il est croyant ou à quelle religion il appartient, car il a toujours préféré survoler le sujet. Alors pourquoi un ancien secrétaire général de l’ONU à un synode des évêques de l’Eglise catholique ? Avec quel rôle ? Serait-ce une reconnaissance de l’obéissance dont nous avons parlé plus haut ? [Valli cite ici la thèse de Carlos Esteban dans Infovaticana du 23 septembre, sur un nouveau césaropapisme où l’autorité civile prime sur l’autorité religieuse au point que la première (César) décide aussi des questions disciplinaires et théologiques de la seconde (le pape).] 

« Et l’économiste américain Jeffrey Sachs, avorteur convaincu ? Et que dire du climatologue athée Hans J. Schellnhuber, considéré comme un écologiste extrémiste même par la communauté scientifique internationale ? Pourquoi eux aussi à un synode des évêques catholiques ? Carlos Esteban observe : “aussi unanime que puisse être (et il ne l’est pas) le consensus sur la théorie du changement climatique, l’Eglise ne doit pas fonder sa prédication sur l’acceptation d’une thèse scientifique, qui ne relève pas de sa compétence.” 

« Selon Esteban, nous sommes précisément confrontés à une sorte de retour, sous de nouvelles formes, à l’ancien césaropapisme, avec le pape qui se soumet au pouvoir civil et scientifique. A une différence près : à cette époque, César, quel qu’il fût, était chrétien, au moins nominalement, alors que les pouvoirs auxquels le pape croit aujourd’hui devoir obéissance sont très loin d’une vision de foi, et même lui sont hostiles. »