Royaume-Uni : l’affaire Charlie Gard et la question de l’euthanasie

Quelle: FSSPX Actualités

Les parents de Charlie Gard.

Au Royaume-Uni, Charlie Gard est décédé le 28 juillet 2017 après que les médecins ont retiré l’assistance respiratoire qui le maintenait en vie. Le sort du bébé, atteint d’une maladie rare au cœur, a suscité une vive émotion à travers le monde, à la suite d’une bataille judiciaire entre ses parents qui souhaitaient continuer de le soigner, et un hôpital londonien qui préférait le laisser mourir.

Charlie Gard, qui devait célébrer son premier anniversaire le 4 août 2017, souffrait du syndrome de déplétion de l’ADN mitochondrial. Cette grave maladie génétique le rendait incapable de se déplacer ou de respirer sans ventilation artificielle. L’hôpital Great Ormond Street (GOSH), à Londres, avait décidé de ne pas poursuivre les soins. La justice britannique d’abord, puis la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a toujours donné raison au corps médical, jugeant qu’un prolongement des soins pouvait « faire souffrir le bébé ».

Le 24 juillet, les parents ont finalement abandonné leur combat, constatant qu’il était trop tard pour le sauver, après un ultime refus de la Haute Cour de Londres d’accorder un délai supplémentaire avant la fin du maintien en vie de l’enfant. D’après l’AFP le même jour, Connie Yates, la mère du bébé, a déclaré en larmes à sa sortie : « C’est la chose la plus difficile qu’il nous a été donné de faire », mais « nous avons décidé de laisser partir notre enfant. » Le père du bébé, Chris Gard, a dénoncé pour sa part : « Trop de temps a été perdu. On l’a laissé attendre des mois à l’hôpital ».

« Nous avions une chance, mais nous n’étions pas autorisés » a également déclaré Chris Gard. De fait, l’établissement n’a pas voulu accorder cette possibilité. Comme le souligne Clémentine Jallais, le 31 juillet 2017, sur reinformation.tv, « en laissant traîner l’affaire pendant huit mois, ils ont condamné sinon accéléré la mort de cet enfant qui aurait pu bénéficier d’un traitement expérimental », un traitement que les médecins anglais, appuyés par la justice nationale et européenne, ont jugé « futile ».

Un hôpital new-yorkais avait pourtant accepté, le 6 juillet dernier, de prendre comme patient Charlie Gard, à condition que toutes les barrières légales à sa venue fussent levées, et alors que Donald Trump s’était déjà exprimé en faveur de l’accueil de l’enfant malade. Aux Etats-Unis, Charlie Gard aurait pu recevoir un traitement expérimental permettant d’améliorer ses fonctions cérébrales. L’hôpital Bambino Gesu, situé à Rome et dépendant du Vatican, avait proposé lui aussi d’accueillir l’enfant britannique « pour le temps qu’il lui reste à vivre ». Une offre survenue après un tweet du pape François, le 2 juillet 2017, réaffirmant la nécessité de « défendre la vie humaine, surtout quand elle est blessée par la maladie », en référence à cette affaire. La conférence des évêques d’Angleterre et du Pays de Galles s’était également opposée, le 28 juin, à l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation de Charlie Gard, considérant que ce ne sont pas des « traitements », mais des « soins élémentaires ».

Les parents ont également exprimé leur colère, le 27 juillet, lorsque leur requête pour accueillir leur enfant à leur domicile afin d’y mourir a été rejetée par la justice. Les médecins arguant de l’impossibilité d’y établir le système de ventilation artificielle. « Nous n’avons eu aucun contrôle sur sa vie et aucun contrôle sur sa mort », ont déclaré ses parents.

L’identification de « l’intérêt supérieur de l’enfant est au cœur de cette affaire », écrivait, le 30 juin 2017, Grégor Puppinck, docteur en droit et directeur du Centre Européen pour le Droit et la Justice (ECLJ-Strasbourg), sur le site d’actualité bioéthique Généthique. Pour l’hôpital et les juges britanniques, « l’intérêt du petit Charlie est de mourir pour ne plus souffrir ». Pour ses parents, il était de « tout tenter pour vivre ». Sur ce point, les juges de la Cour de l'Union Européenne de Justice (CJUE) estimaient « évident » que l’intérêt des parents s’opposait à celui de leur fils. En d’autres termes, selon la Cour, c’est avec raison que les autorités britanniques avaient estimé que les parents faisaient preuve d’une « obstination déraisonnable préjudiciable » à leur fils.

« Une autre question est de savoir qui est le meilleur garant et juge de l’intérêt de l’enfant », écrivait également le juriste français. En principe, ce sont ses parents. Mais pour contourner leur refus de l’arrêt des soins, les autorités britanniques ont désigné un tuteur pour représenter l’enfant. « De façon surréaliste, la Cour a imaginé que le bébé a une ‘volonté’ propre, celle de mourir, et qu’elle est exprimée par le tuteur », notait Grégor Puppinck. Et il déplorait que « les parents du petit Charles qui l’accompagnent courageusement dans cette épreuve auront eu la tristesse de voir la Cour confirmer, en substance, qu’ils sont de mauvais parents, et qu’ils doivent se résoudre à laisser leur fils mourir, dans son propre intérêt ».

Plus généralement, la Cour soulignait que cette affaire est « exceptionnelle ». Cependant, le précédent qu’elle pose est grave, affirme le directeur de l’ECLJ, « car elle accepte le principe que la mort d’un enfant soit décidée, contre la volonté de ses parents, en raison de son état de santé ». Il avertit que ce principe pourrait conduire à l’acceptation de l’euthanasie des nourrissons, qui est déjà pratiquée et tolérée dans certains pays européens. Il suffirait pour cela de l’appliquer à d’autres enfants porteurs de handicaps graves mais non mortels, et qui pourraient être abandonnés à la mort par déshydratation et sédation.

L’Eglise catholique prône un « milieu d’altitude » entre les deux précipices de l’euthanasie et de l’acharnement thérapeutique. Ainsi, le pape Pie XII affirmait, dans un discours prononcé le 24 novembre 1957, que « l’homme (…) a le droit et le devoir, en cas de maladie grave, de prendre les soins nécessaires pour conserver la vie et la santé. Ce devoir (…) n’oblige qu’à l’emploi des moyens ordinaires (…), qui n’imposent aucune charge extraordinaire pour soi-même ou pour un autre ».

Le 5 mai 1980, dans la Déclaration Iura et bona, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi recommandait « l’usage proportionné » des moyens thérapeutiques. Dans cette perspective, la Congrégation rappelait qu’ « il est permis d’interrompre l’application de ces moyens lorsque les résultats en sont décevants. (…) Dans l’imminence d’une mort inévitable malgré les moyens employés, il est permis en conscience de prendre la décision de renoncer à des traitements qui ne procureraient qu’un sursis précaire et pénible, sans interrompre pourtant les soins normaux ».

Ainsi, lorsqu’un malade se trouve en phase terminale dans une situation irréversible, l’assistance respiratoire – qui est considérée comme un moyen extraordinaire mis à la disposition d’un patient, dans la mesure où l’on peut légitimement espérer une amélioration – peut être stoppée. En revanche, l’arrêt de l’hydratation et de la nutrition du malade – qui constituent des « soins normaux » n’est jamais permise.